Jim and the shrimps

Fossé des treize, Jazzdor,
Strasbourg, vendredi 19 avril 2024

Jim And The Shrimps

Pas de nasse pour les crevettes. Jim Black et ses Shrimps passent à travers les mailles de tout filet. Quartet intergénérationnel, parfaitement œcuménique sur la question jazz, bien plus fluide dans les conversations qu’un club de vieux anglais à cheval sur la course géopolitique du monde. C’est même assez surprenant d’être surpris sur la facétie à l’œuvre dans la musique complexe des Shrimps. C’est un excellent rappel à l’ordre, eventuel. Ce qu’on appelle jazz, reste un terrain d’exploration et un terrain de jeu.

Le quartet s’est monté à Berlin, sur les bancs de l’école Hans Eisler où Felix Henkelhausen, contrebassiste, était étudiant du batteur. S’y sont adjoints les deux autres phraseurs-souffleurs. Deux jeunes musiciens qui connaissent l’histoire de leur musique et la joue avec la courtoisie désinvolte du moment. Sans souci de plaire ni aux musées, ni aux académie. C’est volubile, maîtrisé, avec ce qu’il convie d’acidité providentielle. Jim Black, lui, s’il est calé désormais presque tranquillement en Suisse, n’a rien perdu ni de son sens de la mélodie, d’un drumming free légèrement appuyé sur la caisse claire, encore moins perdu de sa puissance. Disciple patent d’un batteur comme Han Bennink (82 ans la semaine dernière), mais aussi et avant tout peut-être natif de Seattle, il a vu venir la vague Grunge, « mélange de Beatles et de metal », il est parti remettre le nez dans la tradition jazz à Brooklyn. Ce mélange est audible, sans aucun trouble ni prétention. Lyrisme échevelé. Free catégoriel. Ainsi soit-il.
Mélange, tout autant pour ce set des Shrimps à Jazzdor, un soir d’avril. Format intergénérationnel, on l’a écrit plus haut, pour ce que se joue ici. Un mentor et trois personnalités sans plus de preuves à fournir. L’écoute est tendue, la règle est portée sur une certaine façon de liberté, les techniques sont étendues. Du souffle le plus infime au suraigu sorti plein air et vociférant. Jim Black quadrille l’espace de jeu, traçant des routes et des déroutes. Ce gap d’âge, lancé up-tempo, est moins une question de rajeunir que de veiller à bien vieillir, en alerte, avec distance et vive urgence. Il y a des choses à dire. À dire mieux, plus âgé. À dire plus clairement, à quatre dans le même chaudron. Pas mal du tout, ce Gumbo crevettes.


guillaume malvoisin
photos © Teona Goreci / Jazzdor

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