Ann O’aro

Zutique x La Vapeur,
mercredi 15 mars 2023

par | 21 Mar 2023 | concerts, articles

Ann o'aro

Dans le souffle d’Ann O’aro, on entend le roulement permanent. Les instruments ne sont que le prolongement de nos voix : sur scène, les musiciens du trio respirent le même air, au même moment. Un récit, celui de l’expérience qui se déplie au son d’un paysage textuel sensible mais brumeux, pour nous autres. Les mots transcendent sur leur passage, sublimés par le trombone qui s’entrelace dans la voix de la poétesse. Et toujours ce roulement sans fin, d’une histoire qui se répète. Simon Frith disait que nous aimions la voix avant le sens. Exemple concret.

Ann O'aro

Aux hommes de boue, les femmes debout. Ann O’aro est de celles-ci. Magistrale, radicale et frontale. Sa poésie crue, « je suis l’épave dans ma propre rivière », ne s’embarrasse ni de préceptes, encore moins de principes. Ça vous claque au visage comme une grenade vous emporterait le bras tout entier. Rien qui ne soit source du poème, souvent noir luisant, parfois rouge sang. L’intime s’éclaire d’une langue de feu, les harangues sont incendiaires. Mais si elles viennent vous chercher dans les tréfonds, là où étaient rangées soigneusement deux ou trois trucs oubliés, elles ont l’élégance de vous prendre malgré tout par l’épaule. Soin en est laissé à Teddy Doris, trombone, et Bino Waro, percussions. Moins qu’un écrin, les deux sidemen balise une piste, d’une précision et d’une tendresse redoutables. Celle qui porte Ann O’aro sur la relecture personnelle et magnifique du Maloya réunionnais et de quelques autres bruits du monde.


Lucas Le Texier et Guillaume Malvoisin
photos © Floriane Zambaux / La Vapeur

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