turandot
Opéra de Dijon, Auditorium
Dijon, mercredi 31 janvier 2024
Double mixte, pour cette version de Turandot. Ici, la review habituelle de PointBreak est augmentée de quelques textes recueillis auprès d’élèves de 1ère 1G1 du Lycée Montchapet, à Dijon, que le magazine a accompagné.es avec l’Opéra de Dijon dans leurs premiers pas de critiques lyriques. Lyriques, leurs regards le sont, très aiguisés aussi.
la review PointBreak
les critiques lyceennes
« Tu, che di gel sei cinta ». Le sein pris par le gel, l’espoir par la glace. Pas mal des obsessions de scènes de cette version de Turandot tiennent en équilibre instable sur cette petite phrase, placée par Guiseppe Adami au 3e acte de son livret, masterisé par Puccini en 1924. Figures de papier glacé, écrans terriblement froids, gel des corps mis en uniformes, glace sans tain de faux-miroirs numériques, l’espace animé au ralenti par Emmanuelle Bastet est gelé. Au propre comme au figuré. Il fait froid dans le monde de cette Chine exotica, les cœurs sont pris dans la glace. Gelés par décret : la mort viendra frapper celui qui voudra rêver du corps de la princesse Turandot, s’il échoue à résoudre ses énigmes. Gelés par protection aussi : la-dite princesse vit derrière cet écran fatal pour se protéger des désirs qu’on lui impose. « Turandot n’existe pas », soufflera un des ministres à Calaf, mordu par le désir de posséder ce qu’il voit, ce qu’il croit des images. Calaf voit, Calaf veut. Et Calaf ne voit rien d’autre que cet écran, velouté, hollywoodien et sensuel. Il ne voit rien de l’abnégation paternelle, un peu honteuse, de Timur, roi déchu devenu vagabond. Rien de l’amour éperdu et magnifique d’une humble retenue de Liù, petite servante auto-sacrifiée sur l’autel de la réalité des sentiments. Elle est magnifique, Liù, vraiment. On pourra discuter du dépit qui la pousse à se suicider par amour, d’un barbu jeunot et matois, amoureux obsessionel d’une autre chimère. Mais son chant est splendide, et la présence scénique d’Adriana Gonzàlez est d’une douceur convaincue.
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Éric Huchet, Pierre Doyen, Saverio Fiore (Ping, Pang et Pong)
© Mirco Magliocca / Opéra de Dijon
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Adriana González (Liù)
© Mirco Magliocca / Opéra de Dijon
C’est d’ailleurs ce qui sidère dans la mise en scène d’Emmanuelle Bastet, cette douceur guerrière de la scène qui enveloppe les idiots comme les génies. Froideur, oui, indiscutablement. Les écrans vidéos, les portables par lesquels le petit peuple vit ce qui l’entoure, la boîte blanche aseptisée de l’Acte 3 en témoignent facilement. Mais douceur, étrangement. Pas dans l’amour forcé de Calaf pour Turandot. Sans joie ni réelle révélation de soi. Mais dans la mécanique des mouvements de corps, dans les changements de lumières, accompagnant une partition qui s’y transforme, un peu. Ici jouent surtout les emprunts à la culture pop de Bastet, réactivant les emprunts de Puccini à la culture pop et au récit originel de Gozzi. C’est 2024 réinterprétant 1924 revisitant le 18e siècle fabuliste. Fascinants jeux d’échos et de hors-champs filmiques. Ping, Pang, Pong, les 3 ministres sont des cousins lucides, donc forcément désabusés, du trio comics Pim, Pam, Poum. L’opéra s’ouvre sur des évocations de Blade Runner ou du Sanghaï filmé par Wong Kar-Wai. Ouverture d’œuvre qui sonne comme Hermann ouvrant un film d’Hitchcock, comme Paul Dunlap ouvrant le Shock Corridor de Sam Fuller. Si la princesse Turandot n’existe pas ailleurs que dans le désir allumé par un empereur exposant sa fille pour protéger son pouvoir, Turandot, l’opéra de Puccini, existe bel et bien, et, à l’oreille d’aujourd’hui, n’en finit pas de vibrer. Hollywood et Broadway défilent dans les entrelacs chromatiques, dans les emprunts populaires ou wagnériens, la pop moderne résonne dans les leitmotivs, les citations pentatoniques et rythmiques. Quasi-testament du compositeur, Turandot et ses archétypes, ramenés à la vie par la paire Bastet/Hindoyan, ont le sang encore chaud, même pris dans une glace centenaire.
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Guillaume Malvoisin
photos © Mirco Magliocca / Opéra Dijon
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les critiques lyceennes
Autour de moi, l’atmosphère s’est immédiatement imprégnée de grandeur lorsque les premières notes de Turandot se sont faites entendre. Mes yeux et mes oreilles ont été conquis par cette histoire captivante accompagnée de sa musique si envoûtante. Pourtant la scénographie, mêlant la Chine des années 50 à l’époque actuelle, l’opéra nous transporte en plein cœur d’un régime totalitaire. À travers les tourments de l’amour et du sacrifice, la puissance des voix et de l’orchestre ont ajouté une intensité inégalée à l’expérience théâtrale. La talentueuse distribution a porté la représentation à des sommets émotionnels grandioses : Kristian Benedikt notamment , dans le rôle de Calaf, qui a délivré une magnifique Nessun Dorma : frissons garantis. La Turandot de Catherine Foster, profonde et torturée, a attiré toute mon admiration. Enfin, la mise en scène d’Emmanuelle Bastet, tout en présentant à l’auditoire un cadre finalement peu éloigné de la réalité, m’a permis de vivre quelques heures hors du temps. Quelques heures hypnotisantes. Cependant, une scène me fit rasseoir brutalement sur mon siège : celle du baiser forcé entre les deux protagonistes. L’hypnose s’est alors évaporée et m’a laissée profondément choquée, seule dans l’incapacité d’apprécier pleinement la fin de la représentation.
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Adèle
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Le soleil sanglant qui s’éteint sur une Chine de poison.
Une image, qu’est-ce ?
Une chimère, un souvenir, flou. Je n’en ai qu’un de Turandot, une flamme qui aurait pût étinceler avec les touches orientales de sa mise en scène mais qui était loin de son apogée. Cette œuvre est rendue tragique par l’absence de force de sa princesse. J’attendais une reine. Une femme qui est la maîtresse de son destin et non celle d’un homme.
Objet à acquérir, désir à assouvir.
Elle brille par sa transparence, symbole de l’amour de la passion sordide. Ses sentiments glacés par une culture salissante transforment cet opéra vif et sanglant en culture du viol.
Turandot devient une éclipse, elle cache le soleil et la lune de cette histoire, sa musique magique, le personnage féminin for de Liu… Tout ça sous le voile de l’amour, de l’espoir.
De la force d’un homme fou amoureux de son physique, voilà ce qu’est une image. L’image de Turandot, l’image de cette femme c’est celle d’une…
Fleur qui ne fanera jamais, car elle n’existe tout simplement plus.
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Valentine
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Turandot un échec ou un succès ?
Pour ses représentations à l’Opéra de Dijon, Emmanuelle Bastet, la metteure en scène a suivi le scénario original de Turandot, dernier chef d’œuvre de Puccini. Mais cette dernière a décidé de faire un choix audacieux : transposer les événements de Turandot d’une Chine médiévale à une Chine moderne. Malgré cette prise de décision risquée, elle reste néanmoins un bon choix, car elle redonne un vent de fraîcheur à cette œuvre. C’est la première chose que le spectateur voit dès le début de l’opéra. Au fil des scènes, on voit des éléments actuels comme des trottinettes, des policiers, des gardes du corps et des décors avec des panneaux LED. L’histoire reste la même malgré la transposition du scénario à un monde actuel, et beaucoup de choses dépendent de l’orchestre, des acteurs et des goûts des spectateurs. Selon moi, cette interprétation de Turandot est un succès, car les choix artistiques audacieux apportent une nouveauté qui parlera plus à la nouvelle génération et donc permettra à l’opéra de s’ouvrir à un public plus large.
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Kirill
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Une satire grandiose et politique qui questionne
Le son et la lumière se sont mêlés et ont fait rayonner l’opéra Turandot ce lundi. Cette version, mise en scène par Emmanuelle Bastet, reprend de façon moderne et actualisée l’œuvre classique de Puccini. Critique d’un régime totalitaire à travers le culte de la personnalité ou l’embrigadement de la jeunesse, le spectacle est aussi une satire sociétale sans cesse sous surveillance, filmée de toutes parts et où les écrans sont partout. La scénographie, les thèmes doux, tragiques ou grandioses ainsi que les tableaux créés donnent à Turandot sa puissance et son intensité. Attardons-nous maintenant aux personnages. Calaf, prince étranger et inconnu, éperdument amoureux de Turandot, la princesse cruelle et sensible à la beauté divine. L’empereur, symbolisant l’autorité; les trois agents qui ajoutent un aspect comique à l’opéra et le chœur, représentant l’influence et la pression du peuple. L’objectif de cet opéra serait-il donc de livrer une leçon au public en plus de le divertir ?
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Antoine
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Le soleil sanglant qui s’éteint sur une Chine de poison.
Une image, qu’est-ce ?
Une chimère, un souvenir, flou. Je n’en ai qu’un de Turandot, une flamme qui aurait pût étinceler avec les touches orientales de sa mise en scène mais qui était loin de son apogée. Cette œuvre est rendue tragique par l’absence de force de sa princesse. J’attendais une reine. Une femme qui est la maîtresse de son destin et non celle d’un homme.
Objet à acquérir, désir à assouvir.
Elle brille par sa transparence, symbole de l’amour de la passion sordide. Ses sentiments glacés par une culture salissante transforment cet opéra vif et sanglant en culture du viol.
Turandot devient une éclipse, elle cache le soleil et la lune de cette histoire, sa musique magique, le personnage féminin for de Liu… Tout ça sous le voile de l’amour, de l’espoir.
De la force d’un homme fou amoureux de son physique, voilà ce qu’est une image. L’image de Turandot, l’image de cette femme c’est celle d’une…
Fleur qui ne fanera jamais, car elle n’existe tout simplement plus.
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Valentine
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Une satire grandiose et politique qui questionne
Le son et la lumière se sont mêlés et ont fait rayonner l’opéra Turandot ce lundi. Cette version, mise en scène par Emmanuelle Bastet, reprend de façon moderne et actualisée l’œuvre classique de Puccini. Critique d’un régime totalitaire à travers le culte de la personnalité ou l’embrigadement de la jeunesse, le spectacle est aussi une satire sociétale sans cesse sous surveillance, filmée de toutes parts et où les écrans sont partout. La scénographie, les thèmes doux, tragiques ou grandioses ainsi que les tableaux créés donnent à Turandot sa puissance et son intensité. Attardons-nous maintenant aux personnages. Calaf, prince étranger et inconnu, éperdument amoureux de Turandot, la princesse cruelle et sensible à la beauté divine. L’empereur, symbolisant l’autorité; les trois agents qui ajoutent un aspect comique à l’opéra et le chœur, représentant l’influence et la pression du peuple. L’objectif de cet opéra serait-il donc de livrer une leçon au public en plus de le divertir ?
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Antoine
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Turandot et ses différents messages
3h d’opéra ça peu paraître long pour certain. Dès la première scène on nous plonge dans une Chine moderne que l’on remarque par les téléphones, les parapluies en plastiques, les couleurs et les lumières qui font références aux rues des métropoles chinoise. Cette omniprésence de la nouvelle technologie dans une pièce d’opéra datant 1924, montre bien la relation du monde avec la technologie de nos jours. Zoé Broggi, inclue des combats actuels, le racisme avec la la princesse qui appelle le prince « l’étranger », le sexisme avec les attouchements sexuels que Turandot subit. Elle « met à jour » Turandot au monde actuel. La scène du discourt de l’empereur, de part la disposition des personnages, leurs habits et le contraste entre les habits noir des gardes et la tenue blanche de l’empereur pour montrer sa dominance, faire penser à une dictature. La tenue identique à tous les enfants renforce aussi cet argument. De plus, cette opéra a son univers assez particulier, en plus de sa modernité, il est futuriste, il peut faire penser, grâce au personnage de l’empereur, à Star Wars ou à Hunger Games, il y a toujours ce lien avec la dictature. Il y a tellement de chose à dire et à voir au sujet d’un opéra.
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Aurélien
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