Cyro Baptista & Brian Marsella
Letieres Leite & Orkestra Rumpilezz feat. Tony Allen
festival Sons d’Hiver, Créteil, samedi 8 février 2020.
Noir, c’est noir. Ici, c’est l’autre Continent Noir. Du Brésil, deux rejetons. Deux francs-tireurs. Versés dans la joie des mélanges, infatigables dans leur bonheur de les rendre universels. Pour la der de Sons d’Hiver 2020, retour des chants d’oiseaux. Ceux qui ouvrent le set du tandem Cyro Baptiste/Brian Marsella évoquent ceux qui réclamaient le bec ouvert l’entrée d’Hermeto Pascoal, mardi dernier, à Maisons-Alfort. À Créteil, pas le temps pour l’impatience, on est déjà dans l’improvisation de paysages sonores, à trois et en toute luxuriance. Bourdon électronique pour la tension utile, mains de Marsella sous le capot de son piano. Baptista, lui, invente à vue la faune et la flore, avec force de jouets, de frappes et d’impromptus tuyautés. Il y a du monde sous la canopée. Et toutes les petites cellules musicales, a priori disparates, se rassemblent très vite dans une forme de récital minuscule, brassé d’humour et carrément cinématique. Plans secs, focus rapide et décadrages. Rien ne prend le temps de s’installer pour déjà emporter votre oreille ailleurs. Cyro Baptiste/Brian Marsella, comme deux frangins d’un cartoon transcontinental, unis par la joie enfantine. These Are The Songs convoque le burlesque, Hollywood, la funk et les calembours de Fats Waller, ça évoque leur passif zornien, Satie et parfois même les recherches géniales de la bande à Comelade et Pierre Bastien. Mélodica, berimbau, piano, tuyauterie, tambours, washboard, poêles, orgue de fortune. Naïf, cette musique ? oui car elle a le jeu en elle et le pedigree pour que chaque note ne soit jaimais jouée par hasard. C’est Da, c’est Dada, c’est Dablement ben.
Diablement cintré, aussi, l’Orkestra Rumpilezz. Courbé sur son statut de machine à plaisirs, n’affichant aucune autre règle que de jouer vite, de jouer précis et de vous glisser à l’oreille des secrets d’alchimie musicale. Très vite déboule l’assemblée du fond de scene et du fond des gradins de la MAC, timbrant des salves façon péplum avec pêches de cuivres, accents de coulisses et frappes millimétrées. Le Rumpilezz est un paquebot avec un cœur de hors-bord, avec un groove précis comme carburant. Un truc hybride soulevant les courants jazz jusqu’aux rivages tradis. Pour le folklore, il faudra se contenter des podiums, des costumes blancs réglementaires. Pour le reste, on est loin de la jolie mécanique d’Expo Universelle (pavillon Brésilien oblige). L’alchimie des mélanges est à l’œuvre à chaque pupitre. L’antique des tambours pousse le Big Band de cinoche sur des terres familières et pourtant rendues étranges par un syncrétisme rythmique qui aurait plus à voir avec la volcanologie que le tressage de panier en duty-free. Letieres Leite est un artisan passionnant. Omniprésent sur scène, il dirige comme Mingus le faisait, sur le vif (coups de poings exceptés), va chercher un soliste, déclenche les polyrythmies, les ponctuations et les ruptures, vient même jusqu’à tenir tête à la langue française pour la ramener dans le giron de la dynamique qu’il a en tête et au corps. Surtout au corps, ici tout se joue au niveau du bassin. Pas le moindre soupçon d’exotisme. Son Rumpilezz déhanche une musique vivante, bourrée d’idiomes chipés dans les meilleurs des étals et amalgamés avec une classe internationale. Tout le système repose sur les tambours du Candomblé Rum sur lequel Leite vient poser les entrechocs afro-brésilien, ses emprunts au jazz. Il y des traits communs avec ce que savait faire feu Doudou N’Diaye Rose sur les plaques africaines. Tectonique parallèle, Tony Allen est venu battre l’Afrobeat sur le terroir do Brasil. Le batteur complique génialement l’équation initiale en invitant dans le game un autre syncrétisme. Celui de l’Afrobeat qu’il a fondé aux côtés du King Fela. Alors assez carrée la racine ? On peut remettre à couvert les exposants. Tout tient debout, chaloupant, emportant, disputant. Tutoyant chez vous cette part noire, commune et sans âge, enfouie depuis que nous avons quitter le nid de Lucy et de la Tribu. La Samba est née à Bahia annonce le Rumpilezz. Finalement, la France semble aimer les mélanges. La salle est debout.
English spoken, here.
Black is black. Here is the other Black Continent. From Brazil, two offspring. Two mavericks. Both of them are happy with the joy of blending, tireless in their happiness to make them universal. For the last one of Sons d’Hiver 2020, the birdsongs are back. Those who open the set of the Cyro Baptiste/Brian Marsella tandem remind those who demanded the entrance to Hermeto Pascoal last Tuesday in Maisons-Alfort. In Créteil, no time for impatience, we’re already improvising soundscapes, with three people and in all luxuriance. Electronic drone for useful tension, Marsella’s hands under the hood of her piano. As for Baptista, he invents fauna and flora with toys, strikes and pipes. There are many things under that canopy. And all the small musical cells quickly come together in a tiny recital form, full of humour and outright cinematic. Dry shots, quick focus and decade-framing. Nothing takes the time to settle down to already take your ear elsewhere. Cyro Baptiste/Brian Marsella, like two brothers in a transcontinental cartoon, united by childlike joy. These Are The Songs blend burlesque, Hollywood, funk and the puns of Fats Waller. It evokes their Zornian past, Satie and sometimes even the brilliant research of frenchies like Comelade and Pierre Bastien. Melodica, berimbau, piano, pipes, drums, washboard, pans, makeshift organ. Naïve, this music? yes because it has power of playing in it beyond the pedigree so that each note is not played by chance. It’s Da, it’s Dada, it’s damage free.
Damage free, too, Orchestra Rumpilezz. Just a pleasure machine. Displaying no other rule than to play fast, play precise and slip into the ear of secrets of a musical alchemy. Very quickly, the band is swarming from the back of the stage and from the back of the MAC stands, sounding like a peplum salvo with brass, accents and millimetre-strokes. Rumpilezz is an ocean liner with a heart of a speedboat, with a precise groove as fuel. A hybrid thing that lifts the jazz currents to the traditional shores. For folklore, you’ll have to settle for podiums and regular white suits. For the rest, we’re far from the pretty mechanics of an Universal Expo (Brazilian pavilion). The alchemy of mixtures is at work at each desk. The antique drums push the cinematic Big Band to familiar lands, yet made strange by a rhythmic syncretism that has more to do with volcanology than duty-free basket weaving. Letieres Leite is an exciting craftsman. Omnipresent on stage, he conducts as Mingus did, on the spot (punches excepted), fetches a soloist, triggers polyrhythms, punctuations and ruptures, even comes as far as standing up to the French language to bring it back into the bosom of the dynamic he has in head and body. Especially in the body, here everything is played out at the level of the pelvis. You can’t find here the slightest hint of exoticism. His Rumpilezz swings a lively music, full of idioms snaffled from the best stalls and mixed with an international class. The whole system rests on the drums of Candomblé Rum, on which Leite comes to lay the Afro-Brazilian shocks, his mortgages from jazz. There are common features with what Doudou N’Diaye Rose knew how to do on African plates. Then enter Tony Allen. Came to stroke Afrobeat on the Brazilian soil. The drummer brilliantly complicates the initial equation by inviting another syncretism into the game. That of the Afrobeat he founded alongside King Fela. So the root is square enough? We can put the exponents back in. Everything’s standing, swaying, carrying, arguing. Reaching in you this black, common, ageless part, buried since we left the nest of Lucy and the Tribe. The Samba was born in Bahia announces the Rumpilezz. Finally, France seems to like mixtures. Standing ovation.
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Guillaume Malvoisin
photos Rumpilezz © Fernando Eduardo / Crew Active
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