Mary Lou Williams, l’ombre géante

Dans les révolutions du jazz, il y a deux types de types. Surtout quand ces types sont des femmes, pianistes du surcroît. Il y a celles qui pointillent joliment pour décorer un salon, qui accompagnent des hommes et des alcools lourds au fond d’un bar en mélodiant. Mélancolie et fausse nonchalance de vamp. Et puis il y a les autres. Celles qui trafiquent avec les 88 touches. Celles qui bousculent la mélodie, certaines qu’elle peut cracher de la nouveauté et du sublime, celles qui cherchent sans cesse et se moquent bien de cajoler votre oreille. Parmi celles-ci, il y a Mary Lou Williams. Qu’on soit bien clair, ici, Mary Lou Williams n’a pas grandi à l’ombre des mecs du jazz, elle aura été la leur, d’ombre. Lumineuse, inventive et propulsive.

Mary Elfrieda Scruggs est américaine et elle naît en mai 1910 du côté d’Atlanta. 1910 aux States, c’est l’époque où être une femme noire, dont les journées sont faites de piano et de jazz annonce forcément quelques embûches à éviter. Et, ces sauts d’obstacles, celle qui va devenir Mary Lou Williams les pratique à la douzaine. Elle tète le sein de sa mère en même temps que les fondamentaux du gospel et du sacré, joués à l’harmonium par la mater de service dans les églises de Georgie. C’est le premier baptême, celui d’une oreille absolue, tenue volontairement à l’écart de l’Académie, préservant un instinct de feu quand il s’agira d’innover sur la base des traditions. Un second baptême viendra à la suite d’un séjour malheureux en Europe, paradis clair obscur des jazzeux from States. Cette onction lui donnera le goût d’écrire du spirituel, des messes et des hommages célestes avant de revenir, comme toujours à la base sans renouvelée de ce bon vieux cri urgent qu’est le blues.


Côté bio, Mary Lou Williams nait en donc 1910, apprend le piano sur le pouce et les 9 autres doigts, déménage à Pittsburgh, se marie 2 fois avec des soufflants, un sax et une trompette, joue avec le Zodiac et le Vatican, compose et arrange comme personne à l’époque puis, après avoir mis au chaud son héritage musical en créant sa propre fondation, meurt d’un cancer en 1981. Entre temps, elle aura écrit pour des petits gars comme Duke Ellington, Ben Wester, Monk ou Dizzy Gillespie. Le Be et le Bop lui doivent pas mal. Mary Lou Williams a souvent provoqué en duel sa majesté le jazz, qui s’est souvent redressé sur ses gonades. Oh Hi Cecil Taylor ! Pas simple de se faire payer décemment, en reconnaissance comme en oseille, dans ces combats-là. Jamais abattue par la défaite, Mary Lou Williams a posé son toucher de clavier parmi les constellations durables. La sélection, strictement subjective, des 6 titres de cette page devrait vous suffire à vous en donner un aperçu.


Guillaume Malvoisin

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