Annette Peacock, she’s the one
Annette Peacock fait son show © Frans Schellekens/Redferns, via Getty Images
Dans l’héritage du jazz, il y a deux types de types. Et c’est bien plus vrai quand ces types sont des femmes. Certaines d’entre elles se débattent dans les codes imposés par les frangins syncopés et peu partager, d’autres prennent le temps de prendre le temps. Il y a celles qui ne trouvent d’autres choix que de se conformer aux normes. Et puis il y a les autres. Celles qui font l’histoire sans le revendiquer. D’ailleurs qui aurait l’idée de revendiquer l’idée de Matrie en lieu et place de la sacro-sainte Patrie ? Ces femmes explorent et scandent par l’action, l’invention, la création, ne reconnaissent que la vérité et la liberté comme workin’ mojo et défrichent des voies à rendre eunuque un conquistador comme Cortez. Celles-ci savent mixer l’expérimentation à la joie du groove, la raideur électronique à la chaleur du rock. Parmi celles-ci, il y a Annette Peacock. Chanteuse, compositrice, autrice et pianiste. 4 bonnes raisons de ne pas se tenir tranquille dans les marges, mais de prendre plaisir à les secouer vertement. Les femmes avancent, les femmes inventent. Annette est ainsi. Curieuse, frondeuse et définitivement inclassable.
Annette Peacock naît en 1941 à Brooklyn puis grandit en Californie, c’est aux Etats-Unis. Les USA de 1941, c’est pléthore de traités puis Pearl Harbor. Attaque surprise des Zeros japonais sur la flotte américaine, les USA entrent en Guerre. On connait la suite. Annette fait donc ses premiers pas dans une Amérique en guerre pour une bonne paire d’année. Europe, Corée puis Vietnam, les deux pieds dans le bourbier. Possible que les remous intérieurs provoqués par ses conflit irriguent les années de formation de la pianiste. Et compositrice, depuis ses 4 ans. Sa musique grandit elle aussi, insatiable, indomptable, elle aussi. Gracile comme sa silhouette longiligne qu’elle balade de scène en scène, d’expérimentation en composition offerte à quelques hommes qui compteront, sur elle notamment. La liste est élégante : Gary Peacock, mari-comète dont elle gardera le nom comme patronyme, Salvator Dali, Paul Bley avec qui elle se lie solidement, et Albert Ayler, poète du sax adoré dont la liberté de ton et de projet lui servirais de rails souterrains. Même Elvis, qu’elle met à son service sur deux reprises belles à vous faire fondre les boyaux. Annette Peacock se fait connaitre grâce au jazz. En remerciement, elle lui fait avaler ce qu’il faudra de rock, de groove tordu, de basses rondissimes et de discordances synthétiques pour qu’il ne s’endorme jamais. Jusqu’à aujourd’hui et les feats diagono-jazz dans la team Coldcut en 2006
I'm the One
Love Me Tender
My Mama Never Taught Me How To Cook
Young
Côté bio, Annette Coleman nait donc en 1941, apprend le piano et compose très tôt. Annette endosse le patronyme de Peacock et fait la roue sur la grande scène du monde musical. Peacock est une pionnière, donc forcément on la comparera à d’autres. Des mâles de la pionnerie. Ayler, Bowie ou Brian Eno. Facilité, car la dame ne s’offre pas facilement. Il faut aller charbonner pour se plonger dans son univers, premiers sons moogs, ajouts de grain sur des balades folks, voix de faux velours. Tout se détourne très vite de ce qu’on pourrait attendre d’entendre. Le génie d’Annette Peacock est là. De I’m the One à X-Dreams, de Improvisie à An Acrobat’s Heart. Ne pas contenter les contempteurs. Ne pas cajoler les câlineurs. Pousser toujours un peu plus loin, là où le plaisir et l’étrange finissent par tomber d’accord. La sélection, strictement subjective, des 4 titres ci-dessus devraient suffire, au besoin, à vous en convaincre.
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Guillaume Malvoisin
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