Basse et chant, on les savait beau couple. Ecouter Sélène Saint-Aimé, c’est écouter ce tandem poussé jusque dans ses retranchements, sublimes. Par le truchement de son trio, la contrebassiste-poétesse continue d’explorer le grand continuum des musiques africaines-américaines : ballades de Louisiane, rythmes des Caraïbes, poésie créole. Publics silencieux et attentifs ici bas, entraînés par ce fil conducteur du concert, ce lien intime contrebasse-voix. Notes graves, voix chaude qui prolonge et surpasse les lignes de la première. Ce son des cordes qui claquent et grognent sur la touche, en même temps que cette voix qui joue des silences et de la présence dans l’espace sonore. Touchés, aussi, de ces moments de recueillements collectifs, laissant place aux impros coltraniennes de Rafael Aguila et aux congas hypnotiques de Machito. Touchés enfin, sans que l’on comprenne toujours, par l’écoute de ces chants en langue anglaise, française et bricolée. Alors que certains voyages sont plus rudes, Sélène Saint-Aimé a choisi la sérénité. De la musique de l’Atlantique Noire, elle en fait une émanation tendre, allant chercher dans le suggestif plutôt que le démonstratif, dans l’infra plutôt que dans le supra. Et le public de se laisser embarquer, dans une torpeur douce et rêveuse, comme une petite méditation du soir.
D’Jazz Kabaret / Media Music : site web