Wynton Marsalis

Jazz At Lincoln Center Orchestra,
à Chalon-sur-Saône
Espace des Arts, jeudi 15 juin 2023

par | 20 Juin 2023 | concerts, articles

Winton Marsalis

Hypnose driver

Voir Marsalis et mourir. Il y a ce parfum de revival qu’on se sent parfois un peu coupable d’aimer. Le Jazz At Lincoln Center Orchestra a misé sur l’artillerie lourde : les costards, la hip attitude new-yorkaise. Et le drive de la Côte Est, des clubs de la Big Apple. Ce fameux drive hypnotique. L’image du cerf-volant : la rythmique qui tire un soliste qui tente de s’échapper. Sensation physiologique : une impression de lévitation. Le sentiment que l’on pourrait écouter ça pendant des heures et des jours entiers. Premier set, le blues. Sherman Irby, à l’alto, qui se gave sur un shuffle low-medium. Il sonne comme le vibrato d’une Leslie. Le type peut prendre 50 grilles qu’il y a aura toujours quelqu’un devant lui, fasciné. Blues In Orbit, Dan Nimmer au piano. Secret de fabrique : position pouce-auriculaire pour ses block chords, dosage parfait pour les allers-retours dans la palette des nuances. On dirait qu’il le caresse, ça ronronne avec l’esprit léger de ce morceau un peu after-hours. Deuxième set dans la même veine au prime abord : Dead Man Blues de Morton. Marsalis est passé au premier rang. Il bouge comme la charleston de Sonny Payne. Ça sent la fin avec la grande Toot Suit de Duke Ellington. Alexa Tarantino, chamanique, sur le blues mineur, jouant sur le chromatisme tout du long. Clap du 4 lancé par un Irby, hilare. Repris unanimement à sa surprise. Encore ? Une fois. Non deux. What Is This Thing Called Loved, en quartet. Les mains qui se joignent derrière, aux premières notes. Chalon a désormais sa version, pour la postérité. 


Lucas Le Texier

Chaleur tournante

800 personnes, 27 degrés dans la salle. Ça vaut bien quelques degrés corporels, le Jazz At Lincoln Center Orchestra. Et le big band new-yorkais est venu chauffer Chalon. On pose le thermomètre, pas tous les jours qu’une légende déplace sa science, son expérience et un équipage de feu comme celui-là. Grosse chance et grand Barnum. Wynton Marsalis, monstre sacré au souffle inné, est le premier rôle de son show. Concert ou théâtre ? Pas simple à dire, vraiment. La preuve dès l’entrée en scène. Première impression de mise en scène : classe, très très classe. Costumes gris sur fond bleu, l’élégance est incarnée, le set peut débuter. Le ton est donné par les sax. Tranchants, précis, étincelants. À leur droite, la rythmique. Dan Nimmer est au piano, Carlos Henriquez à la contrebasse. Tempo des corps, connections parfaites des doigts, pas une seule note ne s’égare. Pièce tradi, montée clichée mais assumée. Plaisir assuré. Des deux côtés, ça prend, ça kiffe, ça suinte, ça s’enflamme : musiciens comme spectateurs. Les visages suent, les respirations sont en cadence. Ça halète de partout. Entracte méritée pour bouches desséchées, puis déjà le second set. Changement de teinte. Au bleu classy succède un blues cendré. De circonstance, Sherman Irby au sax alto vient souffler sur cet instant de fin de braises. 22:30, braises éteintes et chaleur tournante. Nouveau courant d’air, Marsalis sur What Is This Thing Called Love. Le maestro est léger dans son monologue sentimental et doux. Dernière extase avant de retrouver l’air frais du dehors.


Lucy Le Texier

Winton Marsalis

Wynton Marsalis © Luigi Beverelli (Juin 2023)

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