Ultra Light Blazer, la force tranquille
Ultra Light Blazer ramène son jazz puissant et ses vers sur la scène d’Un Singe en Hiver, vendredi 29 février. En attendant le set, on a pris quelques mots à la bouche de son leader, Jonas Muel.
Ultra Light Blazer posey au skatepark © Julien Serié
Question stupide : peut-on faire rimer Major Lazer et Ultra Light Blazer ?
Pourquoi pas. Personnellement, j’aurais plutôt fait rimer Ultra Light Blazer avec Petit Oiseau d’amour.
Pourquoi et comment vous passez de Light Blazer à Ultra Light Blazer ?
C’est à cause du néo-capitalisme, y’avait plus assez d’argent pour payer les musiciens et il a fallu en remercier certains. Y’avait aussi la volonté de créer une formation plus simple à faire tourner, suffisamment légère pour nous permettre d’affiner nos relations musicales.
Justement, comment ça bosse entre vous ?
J’écris la musique, Edash les textes, on se retrouve pour répéter, et puis concerts.
Comment on compose quand on mélange le rap et le jazz ?
On pense au groove, au tempo, à la place de chacun pour laisser l’espace suffisant au rap, pour que chaque instrumentiste puisse s’exprimer. Ça c’est quand j’envoie de la musique à Edash, notre MC, et qu’il pose dessus. Mais c’est arrivé que je pose de la musique sur un rap (cf. le morceau Night Watcher sur notre album), et ça a donné quelque chose de complètement different, très chouette là aussi.
Qu’est-ce que ça laisse comme place à l’impro ?
Y’a de l’impro sur quasiment tous les morceaux. Soit sous la forme de solo pour un des musiciens, soit en impro collective. La musique est très précise et écrite, mais on fait attention à ce qu’il y ait des plages musicales où on puisse se lâcher.
« Edash s’est juré de n’écrire
en français que lorsqu’il pourrait
faire aussi bien que Brel. »
Pourquoi avez-vous choisi des instruments live au lieu de machines, habituelles dans ce répertoire ?
Parce que les machines contrôleront bientôt le monde, et qu’il faut retarder ce moment.
Comment vous bossez les textes ?
Les textes c’est Edash qui les écrit seul. Je peux proposer un thème de temps en temps, si j’y ai pensé pour la composition, mais sinon il a carte blanche pour raconter ce qu’il veut.
Le choix de l’anglais a-t-il été évident ?
Edash vient du Malawi, il est donc anglophone, donc y’a pas de débat. Et il s’est juré de n’écrire en français que lorsqu’il pourrait faire aussi bien que Brel.
L’Anglais peut-il être une difficulté à la compréhension de vos messages ?
Oui ça peut. Après, le flow d’Edash est tellement musical, qu’on peut simplement l’écouter comme on écouterait un instrument de musique. Il m’arrive aussi d’expliquer certains textes lors des concerts.
— Patience, sortie le 18 juin 2021.
« On essaye simplement
de livrer honnêtement
ce qu’il y a au fond
de nous. »
— Draw or Die (Tinquiete Lab, 2017) © Fersen Sherkann
A Tribed Called Quest, c’est forcément une influence pour ULB, nan ?
J’ai carrément pas mal écouté à un moment même si je suis pas fan du timbre de Q-Tip. Mais j’aime leurs instrus.
Vous citez aussi Steve Coleman. Pour ces recherches rythmiques ?
Pour son boulot sur un groove commun ?
Je suis loin d’être un spécialiste du M-base, mais c’est un musicien qui a vraiment réussi à coller du rap sur sa musique en lui donnant une plus-value. J’espère que c’est aussi le cas avec Ultra Light Blazer. Ses recherches rythmiques sont intéressantes et j’apprécie leur côté ‘transe’. Mais Je me sens encore plus proche de la musique de son bassiste, Anthony Tidd, et de son groupe Quite Sane qui défonce tout.
3 autres de vos influences de rap et 3 influences de jazz, à donner ?
Pour le rap : The Roots et bien sur Black Thought, Common, et puis Lauryn Hill. Pour le Jazz : Kneebody, Herbie, et les Brecker Brothers. Et puis l’inclassable Franck Zappa.
Vous avez sorti Patience en juin dernier, est-ce qu’il a été retardé par le confinement ? Justement est-ce que toute cette période vous a aidé à le sortir en affinant des sons, des prises etc. ?
Oui la Covid-19 a effectivement retardé la sortie du disque et avant ça, des accidents de tondeuse et de fermeture éclair. Ça fait un bon moment qu’on attendait cet album. On est donc vraiment très heureux de sa sortie. Toute cette période a plutôt été néfaste en terme de création, et même plutôt déprimante mais on a pu bosser en résidence et faire quelques actions culturelles.
Le titre de cet album, Patience, résumerait-t-il à lui seul tous les messages que vous souhaitiez transmettre ?
Je ne crois pas qu’on essaye de faire passer des messages, on essaye simplement de livrer honnêtement ce qu’il y a au fond de nous. On se dit tout de même qu’on devrait peut-être être plus dans la revendication, comme ce qu’a pu faire Rage Against The Machine. Peut-être pour le prochain.
Dernière question, en forme de conseil pour les jazz noob :
Si j’ai un seul morceau de jazz à taper dans ma barre de recherche Spotify, ce serait lequel ?
Giant Steps de Coltrane. Sans hésitation.
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propos recueillis par Ellinor Bogdanovic et Guillaume Malvoisin, septembre 2021
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