Matt Bianco, crooner de synthèse
Du jazz, à bien écouter, on pourrait en trouver partout. Y compris à certains rayons des supermarchés, dans les ascenseurs ou dans les halls d’accueil. Ça aide à vendre, le jazz, ça aide à passer le temps ou à raconter de jolies histoires idéales pleines de grands sentiments. D’ailleurs, pour cela, on a même inventé un mot : jazzy. Cette rubrique réveille les trompettes et donne l’alarme. C’est l’Alerte Jazzy. Quatrième sonnerie avec un tube qui synthétise le latin jazz et la pop fluo. Yeh Yeh. Oui Oui.
Mambo Bianco © BBC
Retour de hype. En mode flemme, easy. Recyclage bien avant l’ère de la COP 21. Matt Bianco reprend un tube des sixties, le cale dans une pochette dessinée comme dessinaient les génies du Bauhaus dans les années 30 ou Peter Saville dans les années 80. Deux syllabes affublées d’un très moderne (12’’ dance mix). Yeh Yeh ouvre le deuxième album de Matt Bianco. Beau comme une pochette de Duke Ellington, avec du swing pour parquet de bal. C’est doré comme du jazz, ça a le goût du jazz… mais ce n’est pas du jazz. Ou alors, on range ça dans la pochette sophisti-pop-jazz, easy-peasy.
Yeh Yeh
Matt Bianco, les 30s revistées par les 50s revisitées les 80s
« She gives it all that she’s got / And when she asks me if ev’rything is okay / I got my answer /
The only thing I can say: I say yeh-yeh. That’s what I say: I say yeh-yeh »
Yeh Yeh (1985), split-screen niveau 1.
Pourtant, ça marche. Qui se souvient que Matt Bianco, c’est un groupe et pas un crooner de synthèse estampillé années 80 ? Yeh Yeh, deux syllabes, pour cette petite sucette qui vient sauter l’Éducation sentimentale de Flaubert sur la ligne de la culture pop. Dans la version initale, celle de Georgie Fame, le héros est un preppy dépucelé. Du genre à éteindre la lumière avant que « We gotta do that », tout en portant mocassins et pull over sur les épaules. Chez Matt, c’est un peu plus canaille, le preppy est oublié et refondu en mi-badass et mi-élégant. Pour le premier c’est saxophone baryton, pour le second ce sera trompette en suraigus. Culture jazz oblige. Pepper Adams et Dizzy Gillespie sont un bateau. Ici, ce sera, en fait, Steve Sidwell, le trompettiste responsable de quelques musiques de pubs pour Nescafé, Volvo ou MacDonalds. Mais aussi, Ronie Ross, le baryton charnu qu’on entend sur le Goodnight Ladies de Lou Reed, avec le contrebassiste Herbie Flowers. Quand on vous dit que le jazz est partout. Le reste de la prod’ a mal vécu, les bongos font un bruit de batterie constituée de pads hexagonaux, la caisse claire fait pshit, enfin pshiiiiiit, vu le niveau de reverb’ engagé par l’ingé son. C’est dommage, mais on peut réécouter Diana Kral. En 2015, dans sa reprise en duo, elle invite Georgie. Retour de Fame.
Yeh Yeh par Georgie Fame (1965)
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Guillaume Malvoisin
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