Le Tour d’écrou,
Britten / Pitoiset
Opéra de Dijon, Grand Théâtre
mardi 28 février 2023
S’attaquer au Tour d’Ecrou de Britten n’est pas un jeu d’enfant. Il suffit pourtant d’une balançoire. Et la mise en scène de Dominique Pitoiset nous pousse, tête la première, dans le scénario de décadence inspiré du roman d’Henry James. Coincée entre le muret d’une terrasse sans horizon et la baie vitrée d’un salon des années 50, la balançoire prend vie sous le poids des jeunes protagonistes, Miles et Flora. Ils ne s’y balancent qu’une seule fois, à l’arrivée de leur nouvelle gouvernante. Puis l’objet restera immobile. Comme si cette scène initiale l’avait fait fantôme. Mauvaise idée, donc, si vous étiez tentés d’offrir le modèle de balançoire Pitoiset à vos chers et tendres chérubins. Faussement naïve, l’ombre immobile semble manoeuvrer, depuis l’arrière, le jeu de bascule de la pièce tout entière.
Des morts, des vivants, des fantômes et des fantasmes. Fidèle au texte de James, le scénario côtoie le visible et l’invisible. Et cette cohabitation semble mener tout droit vers la folie des personnages. Une folie tiraillée entre la tension des chanteurs, impressionnants de puissance et d’émotion, et la finesse de jeu de l’orchestre Victor Hugo, sous les gestes précis et passionnés d’Elizabeth Askren. La composition de Britten bouleverse alors les sens, passant des graves profonds aux suraigus, de la dissonance mélodique à la douceur rythmique. Profitant de ce bouleversement, mais sans jamais rien expliciter, la pièce vous cale dans le bercement constant du doute. Presque à l’infini, chavirant à droite, puis à gauche, sans jamais trouver de point d’équilibre. Le mystère de la fin arrive enfin, et voilà que le Grand Théâtre vous ramène à la réalité. C’est fou comme ses sièges donnent l’impression d’être soudain perché sur une balançoire.
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Selma Namata
photos © Mirco Magliocca
Opéra de Dijon : site web
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