Laszlo Rénier,
une bonne petite frappe

Interview d’un jeune batteur prometteur, passé par les conservatoires de Besançon puis Chalon-sur-Saône. Rentrée 2022, direction Bruxelles pour rejoindre la classe de Stéphane Galland, batteur du mythique Aka Moon.

par | 12 Juil 2022 | interviews

Laszlo Renier

Laszlo Renier © Gilbert Perrot

Tes parents étaient musiciens, c’était quoi les disques qui tournaient à la maison quand t’étais môme ?

Métal, rock, hip-hop aussi beaucoup, jai découvert plus tard les disques de jazz de la discothèque. Mon père m’a fait écouter pas mal de hard rock : Kiss, Queen, et un peu de musique plus brutale. Je crois qu’assez tôt j’ai fait tourner des disques de Napalm Death, System of A Down. Faith No More, beaucoup. Ça a été une grosse révélation puis après jai découvert le jazz.

Tu te souviens du premier son de jazz que tu as entendu ?

Les premiers trucs que jai bossé en batterie avec des profs à Besançon, Steve Coleman, Aka Moon. C’est marrant parce que je vais étudier avec Stéphane Galland, l’année prochaine. Mon père avait ces CDs de Steve Coleman, puis j’ai écouté Glasper ou Herbie avec des potes qui les découvraient.

Quand tu découvres ça, qu’est-ce qui te touche ? Le son, linventivité, l’écriture ?

Il y a un truc que j’ai oublié de te dire. J’étais fan de Infectious Grooves, de Suicidal Tendencies et je pense que ça m’a carrément ouvert vers la funk. Ma mère, qui chantait dans des groupes de soul, de reggae, de funk, me faisait écouter tout cela. Du coup j’ai relié un peu tout. Ce que j’ai kiffé dans le jazz c’était le mélange. En fait, c’est juste la liberté que j’ai kiffé là-dedans.

Tes parents sont musiciens. Est-ce qu’ils ont essayé de te dissuader de le devenir à ton tour ou, au contraire, est-ce qu’ils t’ont plutôt encouragé ?

Mes parents tournaient beaucoup dans le coin et j’ai souvent été amené à traîner avec des musiciens. Si bien que quand j’étais petit, je pensais que tout le monde était musicien. Mon père m’a raconté qu’il était en fac de psycho à ce moment-là et qu’il avait pas mal abusé de la psychologie inversée. Quand je montrais un peu d’intérêt pour les instruments qui traînaient à la maison, il me disait « non » pour qu’en fait je revienne par moi-même avec une vraie envie de faire ça. Puis, il m’a dit : « vas-y mais débrouille toi ».

«Le jazz, c’est avant tout un langage, un moyen de communication.»

C

Tu viens de Besançon. C’est comment d’être un kid à Besançon avec l’envie d’être musicien ?

Il y a la Rodia. Je me souviens avoir vu Cory Henry, là-bas. Je pense même que c’est un des premiers concerts où j’ai pu voir un gars improviser, c’était cool. Sinon, Besançon, c’est plus rock comme ambiance.

Tu débutes par la guitare classique.

Mon père était guitariste et je jouais parce qu’il y avait des instruments qui trainaient chez moi. Mon parrain ma offert ma première batterie pour enfant. En CE1 j’ai intégré une école avec des classes CHAM. Il y avait une prof de solfège qui venait à l’école. Plus tard, on a eu une journée au conservatoire où il fallait remplir un petit papier avec nos choix d’instruments, puis on allait voir les profs et on testait. J’avais choisi guitare, percus et piano. J’ai pas été pris en classe de batterie mais je ne sais pas pourquoi.

Mais tu acceptes.

Dès que j’ai pu je me suis inscrit, parce qu’une classe de musique actuelle ouvre à Besançon. Au lycée, je suis passé en musiques actuelles dominante et jai arrêté la guitare classique en première.

Et au lycée, c’est la fameuse TMD, musique et danses. Tu as mûri, tu as grandi. Qu’est ce qu’il bouge dans ta sensibilité ?

Au lycée, il n’y avait pas de cours très intéressant, le cours de techniques du son ne servait pas à grand-chose. En histoire de la musique et en analyse, on n’avait pas un très bon professeurs. Mais au Conservatoire, c’était vraiment cool, le prof référent nous a fait découvrir pas mal de trucs. Je reviens à ce que tu m’as demandé tout à l’heure sur les premiers trucs de jazz qu’on a joué. Avant que je sache même ce que c’est vraiment le jazz, Anne Paceo est venue à Besançon, Médéric Collignon aussi. On a fait une résidence et un concert, c’était vraiment avant que je sache ce que c’est le jazz.

Maintenant, tu sais ce que cest ?

Oui. Maintenant, je le sais un peu plus.

Ce serait quoi ta définition ?

C’est compliqué parce que c’est trop large. C’est avant tout un langage, un moyen de communication, je pense.

Est-ce que tu te souviens de ta première impro ?

Wow, pas du tout. Je pense que les premières fois c’était nul parce que je comprenais pas vraiment ce que je devais faire. Je pense que je faisais des trucs pas vraiment pensés.

Et maintenant ?

Maintenant jai la réflexion qu’il faut pour pouvoir jouer du jazz, je dis du jazz mais ça devrait être toute la musique. C’est un peu ce que j’ai appris à Chalon ces 3 dernières années. Prendre du recul sur ce que je fais, sur la manière dont je veux jouer ma musique.

— Naughty Quaver

C’est quoi le son Laszlo Rénier ?

Je pense que je citerai des influences. Les premiers trucs que j’ai écouté, donc les batteurs de rock que je kiffais, celui de Infectious Groove, celui de Faith No More, Mike Bordin énormément écouté. C’est marrant parce que tout est lié. Par exemple, j’ai vu Suicidal pour la première fois aux Eurockéennes en 2010 ou 2011, j’étais vraiment petit. Suicidal jouait le même jour qu’Infectious, en fait c’était le même line up il y avait juste un guitariste qui changeait . Le batteur, c’était Eric Moore. Gros batteur de gospel américain : super technique, super rapide et le bassiste c’était Thundercat ! Puis, jai découvert Thomas Pridgen que j’ai vu dans une cave à Besançon. Ça, ça m’a vachement ouvert parce qu’après jai découvert Thundercat, en même temps que Glasper. C’est les mêmes personnes et ils viennent tous du jazz. Je me suis rendu compte que le jazz était un bagage essentiel. C’est ça qui m’a donné envie d’en jouer et c’est pour ça que je suis venu à Chalon. Tout à coïncidé en même temps.

Qu’est ce que tu serais venu chercher à Chalon et qu’est ce que t’as trouvé au Conservatoire ?

Ce que j’ai trouvé c’est tout ce que j’ai raconté juste avant, le jeu, la conscience musicale. Je voulais juste venir découvrir le jazz parce que la batterie est née en même temps que le jazz. Je suis venu chercher un vocabulaire, après je suis pas du tout un boss et je suis encore au tout début de mon apprentissage mais ça commence.

Tu as amassé de nouvelles pratiques, des nouvelles réflexions ? Est-ce qu’il y a un endroit où tu pensais que la batterie ne pouvait pas aller ?

La batterie peut aller partout. La musique, ça reste un art libre et, en vrai de vrai, au conservatoire on apprend des codes, des techniques qui doivent juste rester des outils. Après, tu fais ce que tu veux même si ça dépend quand même de la musique que tu veux jouer et de tes réflexions. C’est comme peindre je suppose.

On parle de Wet Enough?, c’est quoi les inspirations ?

Le bassiste est très peu intéressé par le jazz et vient du rock, du métal comme moi. Le guitariste vient du blues et a ramené des grosses influences hip-hop. Le tromboniste, il rappe donc voilà c’est direct, cest franc. Le pianiste c’est avec lui que jai découvert le jazz, c’est lui qui m’a fait découvrir Glasper.

Ça se pose aussi dans la veine de ce qui se fait aujourdhui à Londres où Chicago.

Je sais pas comment j’ai pu zappé ça mais pour Wet Enough?, faut vraiment parler de Ghost-Note. On a monté le groupe en pensant à eux, et on a pas pu s’empêcher de copier pleins de petits trucs. On le fait à notre sauce mais c’est très fortement inspiré.

Ton boulot dans le groupe, c’est quoi ? Batteur ? Compositeur ?

On compose tous en même temps, par sessions de résidence comme on est tous très loin les uns des autres. J’ai rejoins Marius à Chalon, Maël faisait des allers-retours entre Vienne et Lyon.Finalement Marius est parti à Bruxelles et Maël à Amsterdam. Baptiste, lui, va partir à Lausanne. Du coup on prévoit des résidences et pendant une semaine on fait du son. On fait tout tous ensemble.

Quand on est un jeune musicien de ta génération, quand on est né en France, l’héritage du jazz, c’est loin. On est donc obligé de se faire ses propres légendes. C’est quoi les tiennes ?

Pour moi ? Cest Monk, facile. C’est spontané. Il compose très bien, c’est magnifique. Sa façon d’improviser aussi.

Là, tu vas décoller pour Bruxelles, tu rejoins Stéphane Galland, il est quoi pour toi à part le batteur d’Aka Moon ?

Pour moi, il est essentiellement le batteur dAka Moon mais d’après ce qu’on m’a dit sur lui, c’est une personne vachement humble et cultivée. Visiblement, il a une très grosse connaissance des rythmes, il a apparemment beaucoup voyagé. Il peut m’apprendre pas mal de trucs je pense.

Tu attends quoi de ton passage à Bruxelles ?

J’ai envie de bouger, de croiser des gens qui ont mon âge et avec qui je vais m’entendre, avec qui je vais pouvoir jouer et progresser.


propos recueillis par Guillaume Malvoisin, juillet 2022

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