Jas Kayser, full energizer

Afrobeat raffiné et prod tonifiante, Jas Kayser fusionne et bouillonne. Sa nouvelle session 5ive confiée par Jazz Re:freshed sort le 15 avril. Mais avant ça, on pause les bases.

par | 6 Avr 2022 | interviews

Jas Kayser

Jas Kayser, Cinquante nuances de bleu

La batterie, c’est ton premier choix ?

Jai été passionnée par la batterie depuis quun mec est venu en jouer dans mon école. J’étais en mode « Oh, il y a quelque chose, là », Jai adoré.

 

Tu as travaillé avec pas de monde, dont Alfa Mist par exemple. Quas-tu appris de ces expériences ?

Quand j’étais à luniversité, jai pu avoir une bourse pour aller à Berklee. Là-bas, jai rencontré mon idole absolue,Terri-Lyne Carrington. Je lui ai demandé : « Est-ce que je devrais jouer du jazz ou plutôt de la pop ? ». Elle m’a répondu « Pourquoi tu choisirais ? Tu peux faire les deux ». Depuis, jai voulu m’engager dans tout ce que jaimais et ne pas me limiter à un seul genre. Techniquement, c’est difficile de switcher du swing traditionnel au hip-hop, au jazz,au groove ou au RnB. Je me sens chanceuse davoir pu jouer avec un groupe de jazz traditionnel comme Kansas Smittys puis de jouer  ensuite avec Alfa Mist, plus jazz rap, et encore plus tard Jorja Smith où cest plus pop et RnB.

Tu as d’abord été une sidewoman et maintenant tu leades ton groupe.

Je me sens vraiment bien. Cest vraiment gratifiant de créer son propre projet. Être leader, ça demande d’être vulnérable et ça peut être difficile à cause de tes insécurités personnelles ou de tes propres sentiments. Il faut réussir à sexprimer complètement et à être soi-même. Mais ça a boosté ma confiance et ma rendue heureuse d’être qui je suis. Ça peut être stressant et fatiguant mais à la fin, ça vaut toujours le coup.

Cest seulement le début de ta carrière. Cest quoi la suite ?

Cet été, je vais en tournée avec Jorja Smith et tenter de défendre en live mon album Jazz Re:freshed. Je pense aussi enregistrer un nouvel album, JAS 5ive m’a beaucoup inspiré. Des choses sont déjà écrites et jaimerais le sortir lannée prochaine.

— One From, Jas Kayser (Live @ jazz re:freshed, 2021) © Fabrice Bourgelle

« Plus tu apprends sur la musique et plus tu te rends compte à quel point tout est connecté. »

Pour JAS 5ive, tu mixe drumming jazz, et afro-beat.

Depuis l’âge de 16 ans, je pratique la batterie jazz. Jai appris tellement de lhistoire du jazz, des africains-américains et de lhistoire de lesclavage. Jaimais beaucoup le jazz mais je trouvais que je n’étais pas assez performante. À lUniversité, jai découvert Tony Allen et Fela Kuti, les pionniers de lafro-beat. Je me suis tout de suite sentie connectée à cette musique. Jai réalisé à quel point les deux genres étaient connectés. Depuis, jai toujours essayé de mettre de lafro-beat dans mon jazz et jai limpression davoir plus de champ pour mexprimer.

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Cest important pour toi de mixer plusieurs genres ?

Plus tu apprends sur la musique et plus tu te rends compte à quel point tout est connecté.  Tu sais Charlie Parker est lun des pionniers du bebop. Nous n’étions pas là, évidemment mais je pense quon doit faire un effort pour essayer de tout apprendre sur la musique et son histoire.

Dans ton EP précédent, Unforced Rhythm Of Grace, on entend déjà linfluence de Tony Allen.

Je lai vu 3 fois en concert, hallucinant de voir à quel point il avait du groove. Sa façon de jouer est puissante alors quil est complètement détendu. Certains batteurs font d’ énormes mouvements alors que lui est détendu et joue le meilleur groove que tu naies jamais entendu. LEP porte son influence mais il m’a aussi permis de me connecter avec d’autres rythmes africains, entendus à lUniversité. Jy ai d’ailleurs beaucoup appris sur le mouvement anti-coloniaux en Algérie dans les années 60. Fela Kuti y était engagé et se servait de sa musique pour rassembler ceux qui l’écoutaient. Son discours a tellement résonné en moi que je lai mis dans Felas Word. Le nouvel album est toujours afro-beat mais avec des influences cubaines. Jai pensé à mon voyage au Panama, à la salsa, aux rythmes et tout ça mélangé avec de lafro-beat et du jazz.

Tu parles de ton voyage au Panama. A-t-il influencé ta musique ?

A 100%. Ça ma ouvert lesprit. Pour moi le Panama, c’était totalement nouveau, une langue et un environnement musical différent. C’était hallucinant. Je me promenais dans les rues là-bas et javais limpression dentendre tout le temps de la musique. Des fois jen entendais  littéralement partout. Un pays qui est aussi investi dans la musique, ça t’ouvre vraiment lesprit. Beaucoup mieux que de regarder seulement des vidéos sur Youtube.

Jas 5ive

— Jas Kayser’s 5ive, sortie le 15 avril 2022 sur jazz re:freshed.

« Je suis chanceuse davoir le soutien de Jazz Re:freshed, qui soutient les jeunes londoniens jazzmen et women noir.e.s »

Après Kaidi Tatham et Nubya Garcia, Jazz Re:freshed te confie une session 5ive,  quest ce que ça représente pour toi ?

Cest trop bien, jai toujours voulu en faire une. Voir les gens que tu cites commencer leur carrière, ça ma vraiment inspiré. Jadmire Femi Koleoso du Ezra Collective. Il est batteur et leader de ce groupe. Jadore comment il arrive à gérer ça et le fait d’être le batteur pour dautres. Je suis chanceuse davoir le soutien de Jazz Re:freshed, qui soutient les jeunes londoniens jazzmen et women noir.e.s. Je naurai jamais pu avoir ces opportunités seule.

 

Dans Darkness In The Light and Half-Race Face, tu joues avec la présence de voix.

Jadore travailler avec les voix et les paroles que ce soit chanté ou en spoken word. Mais je ne pense pas que la musique ait besoin de paroles, que tu peux avoir plaisir à écouter une musique instrumentale. Pour cet album, javais envie de délivrer un message. Lartiste qui fait du spoken word est mon frère jumeau, Ash Kayser. Il a commencé récemment et ces premières histoires étaient des anecdotes plutôt drôles comme celle qui parle du jour où il se faisait attaquer par des mouettes sur une plage. Je lui ai demandé sil voulait aussi aborder de sujets sérieux comme celui de nos origines, nous sommes tous les deux à moitié caribéen et à moitié anglais. Il était à fond et j’avais très envie d’exposer notre point de vue. On a grandi dans des environnements similaires, expérimenter les mêmes choses. Pour la chanteuse, Ava Joseph, cest comme ma sœur dune autre mère. Je la connais depuis longtemps et jai toujours aimé sa voix. On a étudié ensemble à la Julian Joseph Jazz Academy. Je trouvais ça cool qu’elle soit sur le morceau. On a travaillé ensemble sur les paroles pour aborder la découverte de soi et montrer comment on doit se perdre soi-même pour se retrouver plus tard.

Certaines musiciennes comme Nubya Garcia et Emma-Jean Thackray sont de plus en plus médiatisées. Penses-tu que ta génération arrive à se détacher des stéréotypes jazz des années 50/60 ?

Récemment, jai découvert une vidéo de Tia Fuller, une saxophoniste américaine, qui a bossé avec Beyoncé. Elle est incroyable. Elle évoquait le fait que dans les années 50/60, il y avait des jazzwomen musiciennes. Mais, elles n’étaient ni reconnues ni mises en avant. Il y avait un groupe d’instrumentistes féminines, Sweethearts of Rhythm, mais les gens ne les connaissent pas vraiment parce quon les voyait pas beaucoup dans les médias. Peut-être quelles étaient sur des albums mais sans être créditées. Des fois, t’écoutes un son et tu penses écouter un groupe totalement masculin alors quen réalité il y avait sans doute des femmes dessus. Pareil pour Mary Lou Williams.

De ton point de vue, jouer de la batterie quand on est une femme, cest une difficulté supplémentaire?

Quand j’étais jeune je ne me rendais pas compte que ça pouvait sembler bizarre de jouer de la batterie en étant une femme. Cest en devenant adulte que les gens ont commencé à me dire : « Oh, bizarre, tu joues de la batterie… ». Mais jai envie d’être une bonne batteuse et ne pas être jugée parce que je suis une femme qui joue de la batterie.

 


propos recueillis par Ellinor Bogdanovic, mars 2022

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