Indie Days #3

Dijon, La Vapeur,
vendredi 25 et samedi 26 novembre 2022.

par | 29 Nov 2022 | concerts, La Vapeur

Indie Days

Journée 1
vendredi 25 novembre

Journée 2
samedi 26 novembre

Journée 1 : vendredi 25 novembre

Diamond Dog © Philippe Malet

La pub aura épuisé les excuses de collégiens en carafe de DM à rendre le lendemain. « C’est pas moi, c’est mon chien », « c’est pas moi, c’est Murphy », etc. C’est pas moi c’est Murphy. Oui, Peter Murphy même et son Flat Field qui passe une tête dans la niche de velours de Diamond Dog qui reprend le titre sans même trembler. Avec la panoplie. Le vice et la paresse. Souverain. Avec son blaze de canidé londo-mondain, Diamond Dog vient, faussement tranquille, gratter la scène du Club et lance les Indie Days, troisième édition. Le Dog, c’est simple, efficace et plutôt attractif. Blue, blue, blue, electric blue. Post-punk-electro-dansant pour quelques mesures, scandé-inquiétants pour d’autres. Ailleurs c’est cambrures glam et accents Bauhaus. Carré. Forcément, pour le Bauhaus. Carré mais cosy. Mi-vénéneux, mi-sournois. On est bien. Pour preuve ce Usual chronicles, actuel single d’un futur album à sortir au printemps, pourpre comme du théâtre berlinois, acéré comme un hymne frontal hurlé dans une batcave. Dark, le Dog ? Pas vraiment. Énergisant, oui, mais plutôt calé dans un clair-obscur épais, et très classe. Un truc du genre boudoir dangereux, le genre de truc où il y a toujours quelqu’un qui danse sur place pour tenir l’ambiance au cas où une salle entière se ramène pour fêter la fin du monde.

En guise de fin du monde, ce sera baston générale.
Baston gén(i)érale. Alex a pris sa part, il en parle très bien, juste en-dessous.

Si tu connais pas Baston, c’est simple : c’est new wave, post-punk et krautrock, c’est cool, quoi. Les gars viennent de Rennes, et, oh bon sang ! Qu’est-ce qu’ils font honneur à la capitale du rock ! Concert tranquille, crescendo, c’est cool, les gens découvrent en majorité, et la sauce à l’air de bien prendre dans le public. Neptune, juste magique. Pour moi, c’est le symbole de la soirée du vendredi : musique instrumentale puis un moment de pur silence puis une voix sortie d’un documentaire Zone Interdite :
« combien de gens qui danse?
— Arf…800 »
Et Paaaaaam, la musique qui reprend, bien lourde, et transcende toute la salle. Arrivée du titre Zodiac, leur tube. J’me retourne, TOUTE la salle était en train de danser comme des foufous. Le chanteur sort un kazou… Effet de malade. Sur l’esthétique du son, sur la recherche musicale, sur la performance sur scène, Baston c’est clairement un “olalala je kiffe/10”.  Dernier morceau, on écoute Christophe Hondelatte coincé dans un sample à te raconter des trucs de faits divers, le morceau s’appelle Viande : «  À aucun moment vous avez envisagé que la viande dans le frigo soit votre mère ? » dit Christophe. Baston répond. Rock explosif et fin de concert lâchant un moment d’extase ultime au public. Un chaos illuminé et souriant.

Baston © Philippe Malet
Baston © Philippe Malet

Tout juste remis de la bagarre,
à peine le temps de souffler que déboulent des renards
très malin, très sonores aussi.
Camille est dans la fosse,
elle en parle très bien, juste en-dessous.

Ils sont trois sur scène et ils attaquent fort. Ils informent d’entrée qu’ils vont écraser les genres, c’est Gender Eraser, ok. Bien plus que du post-punk, Mad Foxes tape dans les influences grunge de Seattle avec un chant proche des complaintes énervées de Kurt Cobain ou Chris Cornell.
 La brèche, ouverte et béante, laisse entrer un son stoner et doom. La ligne de basse est lourde, omniprésente, tandis que la guitare se met à hurler en toute dissonance. La batterie, au centre et au-devant de la scène, fait coucou aux Melvins. Elle s’acharne avec agressivité sur les caisses en même temps qu’elle sonne le glas à coups de cloche. Et lorsque le chanteur-guitariste lâche le micro, c’est pour se joindre aux pogos naissants d’un public survolté.
 Dernier morceau du trio infernal, morceau tapageur et sexuel. Le chanteur, de retour sur scène, offre à nos yeux hagards une danse irrévérencieuse qui nous incite à persévérer dans notre déchéance. La foule hurle, on en veut encore, mais sans transition, les lumières se rallument et la playlist de la Vapeur redémarre sur un titre pop léger qui ne laisse aucune place au doute : déjà la fin du set. On est tous en sueur, essoufflés, mais heureux. Bien défoulés. Fin de journée.

Mad Foxes © Philippe Malet
Mad Foxes © Philippe Malet
Borja Flames © Philippe Malet
Borja Flames © Philippe Malet

Journée 2 : samedi 26 novembre

Retour aux Indies, retour à la Vap. Accueil façon cérémonie rituelle dont l’objet du sacrifice reste encore pour l’heure inconnu. On se saura donc pas qui périra dans les flames de Borja, « Qui sera qui sera », ânonne le quartet en scène au foyer. On verra, on verra. En attendant, c’est minimal drumkit, clavier façon art du pauvre et petite hypnose artisanale. On n’est pas loin de la Muzak catalane façon Limiñanas, façon Pascal Comelade. Le genre de truc fragile dont la puissance émotive viendra toujours plus tard. Rien de frontal, petite grenade à retardement. Mais le plaisir est, lui, pris sur le vif. Avec un trop plein de « sangre, mucho sangre ». C’est très vivant, Borja Flames et son quartet à transes rieuses. C’est encore la fin d’aprem du jour 2 des Indie Days, c’est novembre et, dehors, 18 heures ressemble déjà à l’heure de la soupe. Borja sonne l’heure des têtes à l’envers. Quatre-cinq headbangin’ dans la fosse, et les chansons bricolées s’enchainent. Ça ne dira rien du score au Qatarrrr, mais ça abuse sérieux de la jota, trrrrès rrrrrrrrieur on vous jurrrrrrre. Entre ces accès gutturaux tous jolis, pas de grosse caisse, pas d’autres basses que celles, et encore, un peu médiums, d’un clavier. Borja Flames flotte. Au-dessus du creux de la vague, au-delà de l’heure de la soupe, au-dessus de la mêlée en cours d’arrivage à la Vapeur. Sourires, score du Qatar affiché sur les faces.

Dewaere © Philippe Malet
Dewaere © Philippe Malet

« Tu vas voir Dewaere ?
— Nan je vais plutôt boire deux verres. »
Game plié par un ami, on apprécie.
On aime mais on n’attend pas Patrick. Dewaere fait avancer
son rock-core tout seul comme un grand.
Un très grand. Chanteur échappé de chez Jacques Tati,
riffs au scalpel, danses d’indiens, fin de morceau de salopards.
Alex en parle très bien, juste en-dessous.

Dewaere, c’est un groupe franco-australien qui vient de Saint-Brieuc. Normal. Leur dernier album What Is Pop Music Anyway ?, je le trouvais trop pop comparé à leur Slot Logic qui te met juste des coups de pieds dans la bouche tellement il est puissant. Bref, j’arrive grande salle de la Vap, quasi complète. Tout le monde était en mode découverte, sauf 2 gars alcoolisés au premier rang. Finalement, Dewaere, c’est tout ce que tu veux sauf un groupe de pop-rock. Dewaere, c’est une bourrasque que tu te prends en pleine poire. Ça ressemble surtout à du punk hardcore californien des débuts des années 2000. Une guitare souvent chorussée avec une basse qui active 36 fuzz en même temps. Un batteur qui a besoin de 178 baguettes tellement il tape fort sur ses fûts et un chanteur juste fou, dans son délire psyché. Lui, c’est Maxwell Farrington. Dans sa manière de s’adresser au public en mode ‘j’m’en fous’, dans sa manière ‘wtf’ de danser et dans sa manière de chanter, il casse totalement les codes d’un groupe de punk sérieux et méchant comme on a l’habitude de voir. Dewaere, c’est donc un groupe punk qui déchire, avec un chanteur à la voix de velours et aux spasmes de screamo. Un groupe que visiblement personne attendait et que pourtant tout le monde redemande à la fin. Vous voulez ma note pour ce live ? C’est un “J’ai crié comme une groupie/10”.

Entre en scène, Miët, petit Lu nantaise qui laisse tout juste quelques miettes dans vos poches à sons, les doigts pris dans un paquet sonore un peu fastidieux à ouvrir.

Puis Gwendoline, sans doute restée trop longtemps Dans La Forêt à courir après Bob Morane. Gwendoline rime avec Indochine, c’est ainsi, on n’y peut rien. « Rien à foutre », diraient-ils.

indie days / Zombie Zombie © Philippe Malet
Zombie Zombie © Philippe Malet

Suite. En 4 briques. Lourd. Épais. Analogique. Redoubler. Zombie Zombie va frapper dur dans le foyer. Trop petit ? Non, on bascule dans un format club parfait, dans une chapelle pour latinistes onanistes, dans une salle obscure pour danses un peu darks. C’est bon et délicieux. Pléonasme ? On s’en moque. Zombie Zombie, c’est bon bon. Pas vu à Dijon depuis une dizaine d’années, en duo au Consortium, on va pas mégoter sur la syntaxe. C’est donc bon et tout à fait délicieux. Jaumet en grand prêtre du modulaire, ses deux enfants de cœur ouverts à tous les vents de la frappe. Ça tape dur. Ça hypnotise sévère, ça sécrète des acides longues durée, ça zone dans les méandres louches, ça remue des trucs au fond de votre gorge et ça vous rend le bassin captif. La fosse a attendu ce set, on le sent. Enveloppée façon feelgood chaloupant dans ce Dark Paradise, rien d’autre ne transpire d’ici qu’une lente et longue vague d’amour inconditionnel. À deux doigts de virer en turne sectaire, La Vapeur. Une voix vocodée plus tard, la petite foule atterrit enfin. Sourire en plus.

Dans la stupeur hébétée, arrive la pop grungy de TH Da Freak.
Le Freak, c’est cheak. Très chic. Très très chick.
Rien à ajouter.
On va au bar, finir la soirée et un samedi de plus,
souriant encore un peu mieux.


textes : Camille Fol, Alexandre Da Cunha & Guillaume Malvoisin
photos © Philippe Malet / La Vapeur
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