Week-end de réouverture Au Maquis. Premiers succès, la file d’attente s’étire bien avant l’ouverture, un peu après le début du set, le public est au rendez-vous, mélangé, curieux, intergénérationnel. Dans ce lieu hors-format, coincé entre canal, bosquets et guirlandes suspendues, Derya Yıldırım & Grup Şimşek ouvrent la soirée du samedi. Unanimité des corps et des esprits. Sur scène, le groupe déploie sa formule : psyché, soul, musiques anatoliennes, le tout fondu dans une énergie collective tendue et généreuse. Derya, au centre, assure la ligne à suivre. Charismatique sans effort, bağlama en bandoulière, elle guide son combo cavalant à grand cheval entre Berlin et la France. À ses côtés, Helen Wells, à la batterie d’une précision tranquille, presque minimaliste, Graham Mushnik aux claviers, puis ce bassiste XXL, remplaçant d’Antonin Voyant, en retrait, concentré sans rien lâcher du groove commun. Ça joue carré, et ça respire. Larges bouffées tirées de Yarın Yoksa (« S’il n’y a pas de lendemain »), dernier disque couronné par Leon Michels sur Big Crown. Pas de chronologie pourtant, pas de promo plaquée : la tracklist, organique et progressive, vit de morceaux piochés à l’envi dans les disques précédents. Ouverture de set sur un groove contenu, à peine dansant, mais déjà tendu. Derya parle alors de résistance, d’alliance. Avec Direne Direne (« Résister encore et encore »), le concert prend une autre dimension — texte limpide, rythmique serrée, voix qui s’élève sans forcer. Puis viennent d’autres temps forts. Cool Hand, single actuel à l’équilibre étrange entre groove léger et rupture sentimentale, met la fosse en mouvement. Bal (« Miel »), tiré de Dost 1 & 2, installe ses lumières sous le soleil qui se couche derrière le plateau de Talant. La dynamique se poursuit, les morceaux s’enchaînent, les corps suivent. On danse, on écoute aussi. On aime beaucoup. Rappel sans appel. le groupe revient avec un Dom Dom Kurşunu (« La Balle dum-dum ») chargé comme un canon, tiré du disque Kar Yağar. Classique du groupe, lourd de sens, interprété ici sans pathos, joué parfaitement à la lisière du free hargneux. À côté de la scène, un couple turcophone chante à pleins poumons, et leurs chants portent, ce morceau. Et c’est exactement ça, ce set d’ouverture de saison : pas un concert pour montrer, mais pour partager ce qui pèse, et qui, finalement, nous relie les uns aux autres.
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Selma Namata
photos © Alice Forgeot (Instagram)
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