Vladimir Torres,
finement confiné
Successeur d’Inicial, l’album solo du contrebassiste Vladimir Torres, joue avec la mémoire collective. Faire du commun tout seul, pas banal. On parle d’audace et d’urgence avec Vladimir Torres.
Vladimir Torres © Chris Roy, 2021
Music for a Locked in Double Bass, comment ce titre s’est-il imposé ?
Pendant le confinement, pendant cette année d’inactivité culturelle, ma contrebasse était presque ma chambre. Je ne l’ai pas quittée et c’est ce qui m’a sauvé. Je serais devenu fou si je ne m’étais pas mis à mon instrument d’une manière inédite jusque-là. Ce titre s’est imposé petit à petit. J’ai travaillé, seul, chez moi et j’ai enregistré l’album en quasi-autonomie. Mais ce titre n’est ni triste ni sombre, malgré la situation, j’ai réussi à produire quelque chose.
Est-ce que l’idée d’un disque solo préexistait au confinement ?
Pas du tout même si j’avais déjà eu à arranger des morceaux seul à la contrebasse. Sur Inicial, mon premier album, j’ai aussi enregistré un premier morceau en solo. Là, j’avais une matière musicale que j’ai estimée valable. J’ai eu accès à un endroit parfait pour enregistrer un instrument acoustique. Tout ça, ça m’a donné le « go ». J’en profite pour remercier le Musée Courbet de m’avoir donné un accès libre à la ferme natale de Courbet pour ces enregistrements.
As-tu pensé rejouer en solo les compositions enregistrés avec le trio sur Inicial ?
Non mais je pourrais l’envisager pour le live.
Comment c’était d’enregistrer seul ? Faisais-tu écouter tes bandes à quelqu’un ?
J’ai enregistré seul plus de la moitié de l’album, sans personne sur le lieu des prises. Au début, c’était marrant, mais assez vite ça m’a quand même rappelé que je fais de la musique pour la partager avec d’autres. J’ai très vite eu envie d’arriver au bout de ce projet, sans doute le plus exigeant que je me sois imposé. Je n’ai fait écouter à personne. Sur les derniers titres enregistrés, ceux avec plusieurs contrebasses superposées, j’ai fait appel à Flavien Van Landuyt pour venir faire les prises de son. Je maitrisais moins ces compétences techniques. C’est le seul à avoir entendu quoi que ce soit avant que l’album soit mixé et masterisé.
« Faire cet album a été un projet salvateur pour moi, le créer petit à petit. (…) Néanmoins, un tel exercice est exigeant et je dois le travailler tous les jours. »
Pochette du disque solo,
sortie en octobre 2021
Créer un disque en crowfunding, c’est aussi manière de faire participer le public ?
Il y a pas mal de monde qui aime soutenir la production artistique de cette manière. C’est un peu comme une précommande de l’album. Certains sont incroyablement généreux, vraiment.
Pas flippant d’envisager ce solo en concert ?
Si totalement. Ne pouvoir compter sur personne d’autre que moi-même. La première fois, je me suis demandé comment le public apprécierait et s’il vivrait le voyage que je souhaite offrir mais ça s’est bien passé et j’ai été rassuré pour les concerts suivants. Néanmoins, un tel exercice est exigeant et je dois le travailler tous les jours.
Comme tu connais les deux maintenant, comment tu décrirais les différences d’énergie en solo et en trio ?
Je n’échangerais aucune dates en groupe contre des dates en solo ! Je préfère partager la scène avec mes amis et collègues. Pourtant, j’aime l’intimité d’un solo. S’impose la nécessité d’échanger avec le public, sinon c’est raté. L’énergie est très différente c’est certain, on est sur tout autre chose, un autre répertoire, et une autre approche. En revanche, physiquement et techniquement c’est beaucoup plus exigeant pour moi. Autre différence importante, il n’y a jamais un moment où je m’entend mal puisqu’aucune fréquence venue d’un autre instrument ne vient interférer.
Tu dis que cet album est là pour faire découvrir “ton univers intérieur”, comment tu le qualifierais cet univers intérieur ?
Complexe et disparate… (rires)
« J’aimerais pouvoir tout refaire en mieux chaque jour, pour aller plus loin mais ce n’est pas possible.. »
photos © Chris Roy
On sait que tu es plutôt perfectionniste et exigent. Tu es content de ce disque ?
Disons que j’ai jugé que c’était valable, que ça montre bien ce que je voulais raconter. Je pourrais avoir à redire, et j’aimerais pouvoir tout refaire en mieux chaque jour, pour aller plus loin mais ce n’est pas possible. Un album, c’est un instantané, un polaroid de ce qu’on est au moment où on l’enregistre. L’instant d’après, on est déjà plus le même, on a grandi grâce à ce qu’on vient de faire et on devient meilleur. Mais ceci dit, je suis vraiment très content du son ça c’est vraiment cool.
Tu es aussi très actif sur les réseaux, et on t’as vu souvent enragé voire en colère pendant les périodes de confinement. Ça s’entend dans ton disque ?
Je ne pense pas que cette colère se soit exprimée dans la musique. Faire cet album a été un projet salvateur pour moi. Le créer petit a petit, en arrangeant et composant ces pièces, puis ensuite le projet d’enregistrement et de production, tout ceci a alimenté mon besoin d’activité professionnelle qui était très appauvrie.
Tu reprends des sons super connus comme Eleanor Rigby ou Billie Jean, pourquoi ce choix ?
Je voulais essayer de faire entendre des titres connus à la contrebasse en jouant en même temps la mélodie et l’harmonie. Sur la plupart de ces titres, je ne joue pas de boucle sur les thèmes, et c’est une vrai gageure, un travail que je n’aurais sans doute pas fait sans le confinement. Ça m’amuse. Ces titres sont des titres que j’aime depuis toujours, donc c’est un choix naturel. Billie Jean n’était pas prévu, mais comme on avait du temps avec Flavien, on a fait un truc différent en forme de un clin d’œil.
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propos recueillis par Ellinor Bogdanovic et Guillaume Malvoisin, septembre 2020.
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Vladimir Torres : site web
Release régionale : concert solo à la ferme Courbet (Flagey, 25) le 3/10.
Release nationale : concert en 4tet + guest (Roxane Arnal, chant) au Pan Piper (Paris, 11) dans le cadre de Jazz sur seine le 18/10.
Pour une autre interview de Vladimir Torres
sur son album en trio, Inicial,
c’est par ici.
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