Velvet Revolution

Daniel Erdmann, saxophone ⋅ Théo Ceccaldi, contrebasse
Jim Hart, vibraphone

Interview. Rencontre à Chalon s/ Saône, novembre 2021
L’Arrosoir.

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Comment c’est né ce trio ?
En 2014, j’ai arrêté quelques collaborations. C’était un moment de transition pour moi. J’avais envie, après des années de travail avec d’autres musiciens, de faire à un groupe où j’écris, où je décide un peu, au début au moins, des choses et j’ai cherché en moi, vraiment, ce son. En réalité, j’ai imaginé le son que j’aimerais bien entendre à ce moment-là. C’était vraiment une recherche de savoir quel pourrait être le son de groupe idéal.

Comment tu décides des instruments qui seront dans ce trio-là ?
C’est ça qui est venu dans mon imagination. Vraiment. Comme je connais bien mon instrument, je pouvais imaginer mon instrument dans un tel contexte. Souvent on crée de nouveaux groupes avec des musiciens qu’on rencontre puis on se dit « ben ce serait super de jouer ensemble ». Ça peut être une rencontre humaine. Mais là, pour Velvet, j’ai imaginé le son du groupe et l’instrumentation avant de savoir avec qui je voulais le faire. Dans d’autres projets, je trouvais qu’il manquait un peu du grain de mon son, tout le côté un petit peu soft, velours finalement. C’est aussi pour ça que j’ai appelé ça Velvet Revolution, c’est ma révolution de velours personnelle

Tu parles de révolution de velours, on pense à Vaclav Havel, et je trace le lien avec Das Kapital, un de tes autres groupes, il y a un lien politique.
C’est sûr qu’il y a un rappel de ça, c’est pour ça aussi que ça m’a plu cette idée-là, que ça raconte quelque chose un peu au-delà d’un titre abstrait. Mais, vraiment, c’était ma révolution personnelle de velours. C’est un peu une révolution à l’envers. 

On revient à ta révolution intérieure, tu dis que tu veux retrouver le grain de ton sax, pourquoi tu n’es pas allé au bout en créant un solo ?
J’ai eu l’occasion de faire des solos de saxophones mais pas souvent. Trois quatre fois, dans quelques festivals, où on m’a invité pour proposer ça. C’étaient des expériences assez chouettes mais… on est quand même seul, en solo… et pas que pendant le concert. Avant et après le concert on est vraiment tout seul quoi, c’est un petit peu dur, je trouve. Et puis j’aime bien, j’aime vraiment jouer avec d’autres, cette interaction de… conversation et des choses comme ça donc.

Tu dis aussi que ç’aurait pu être un quatuor, c’est presque un quatuor, car il y a une place immense laissée à l’auditeur. Ce n’est pas une musique que l’on pourrait qualifier de frontale.
Écoute, ça me fait très plaisir que tu dises ça parce que pour moi c’est vraiment très important. En concert notamment, il y a vraiment le quatrième membre du groupe qui est le public et qui… Déjà, physiquement ça… On est des cordes de résonance donc on a des cordes de résonance qui sonnent dans la salle avec nous. Chaque salle sonne différemment dès qu’il y a le public qui est là. On fait la balance mais on sait que ça va pas sonner pareil, c’est sûr. Et puis, il y a l’interaction, il y a les réactions, tout ce qui influence énormément la musique.

Comment tu expliques ça, les couleurs des instruments, ce côté très jazz de chambre, si tu es d’accord avec cette idée-là. Comment tu travailles avec l’unisson, les contrepoints ? J’ai l’impression que tu utilises presque un matériau classique.
C’est marrant que tu parles de couleur parce que c’est vraiment le premier disque de Velvet qui était pensé avec une couleur par morceau. Et le deuxième, il y en a plusieurs, en fait, par morceau… Dans le premier disque, j’ai pas mal utilisé certains clichés, par exemple, que j’ai après détournés. Le premier morceau, c’est presque comme un reggae mais un petit peu bizarre, avec une mélodie qui est entre tonal et atonal. J’aime bien l’idée d’un peu bricoler des morceaux et des idées, de faire des collages, des choses et j’enregistre des choses chez moi et… Et j’essaye des choses. C’est marrant, on parlait avec Jim tout à l’heure de choses, de techniques de composition et c’est vrai que, pour moi, la question de la tonalité n’est pas très importante. Parce que, justement, pour moi le plus important, c’est le son de chaque phrase… C’est des bouts de son, peut-être, plus…

Il y a un autre truc assez évident quand vous on voit ou qu’on vous écoute, c’est l’impression qu’il n’y a pas de leader, alors, c’est ton projet, on vient d’en parler mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas de leader visible en scène.
Je suis persuadé, que, pour moi, chaque musicien qui joue dans un groupe pour ce type de musique, où il y a pas mal de libertés, fait de son mieux naturellement. De plus, évidemment, là on a un groupe qui a beaucoup joué. On connaît très bien la musique, on connait le son du groupe mais je suis persuadé qu’on joue mieux si on le trouve soi-même que si un leader dit « il faut jouer comme ci ou il faut jouer comme ça ». Parce que tous ces musiciens ont des caractères très forts. Tout ce travail qu’on a fait pour devenir, pour trouver un langage personnel. Ce sont des chemins qui nous éloignent du fait d’être juste interprète. Il faut toujours réinventer ce moment-là.

Tu parles justement de l’appropriation par les musiciens, tu choisis deux musiciens, Théo Ceccaldi, au violon, Jim Hart au vibra, avec d’autres traditions que la tienne.
Je trouve ça intéressant en tous cas de confronter les musiciens qui n’auraient peut-être pas joué ensemble forcément, en dehors de cette rencontre-là. J’ai appris en jouant avec Das Kapital, que c’est possible, finalement, de tout prendre pour le détourner, le confronter avec autre chose. On est libres, on n’a pas de compte à rendre… Enfin, si, à nous-mêmes mais… Pour le reste on peut, on a le droit, c’est un peu open source quoi, quand même, toutes ces choses-là

— photos © LeBloc / CRJ (2021)


Propos recueillis par Guillaume Malvoisin à l’Arrosoir, le 12 novembre 2021.

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