jour 2

Tribu festival, Au Maquis,
samedi 23 septembre 2023.

par | 29 Sep 2023 | concerts, Tribu festival

tribu festival nana benz

Tribu, jour 2. Ou comment les corps se soumettent au son de saxophones, comment 3 peuvent sonner ensemble et comment Haïti soulève des volcans jusqu’en Belgique. La sono mondiale vise loin, plus loin qu’un Manneken Pis.

Antoine Viard & Camila Nebbia
invitent Lise Pauton

Cap sur la fragilité. Salle dans le noir, Antoine Viard et Camila Nebbia habillent le chapiteau de leurs machinations électroniques. On prête l’oreille : l’acoustique y est douce et chaude. On est tout près d’une douceur de feu de cheminée. Quelques rayons de lumières perturbent à peine la pénombre du Cirque Lili, tout de bois construit. Puis le rouge envahit l’espace : Lise Pauton progresse, sa chorégraphie s’établit au ras-du-sol. Une slow propulsion jusqu’au centre de la scène, à la faveur des pédales sonores, des deux improvisateurs. À l’inverse du saut des trapézistes, on assiste à une longue et périlleuse ascension. Le rythme se tend. Contorsions du corps, distorsions des sons. Habitués à jouer avec l’espace, à lancer de grands traits vifs et instinctifs, l’un vient du collectif COAX, l’autre parcourt le monde entre Argentine et Suède, Viard et Nebbia quittent leur atelier et chopent leurs saxophones. Chacun s’élève depuis leurs pédales d’effets. Les souffles se collent auprès du corps contorsionniste, haletant. Commence un jeu sonore, une gamme des harmoniques, un jeu amusé de la réverbération du son dans les gradins, un jeu de torsions. Les traits sonores du duo et les gestes du solo se lient par ces torsions et contorsions. L’espace sensible éclate en chimère, dessinée par trois respirations à l’unisson. Fébrile, bruyante et aériennes.

— Lucas Le Texier

Sam Karpenia, Nicolas Lafourest
& Mathieu Sourisseau trio

Aux scansions éco-féministes hurlantes d’urgence de la veille, succède l’urgence d’un trio versé dans l’introspection carrément sonore. Trio à cordes, posé volontairement à la croisée des quelques mondes. Marseille/Toulouse d’abord. Puis la tradition provençale, le post-rock, le punk. La joie est dans la friction des contraires, dixit un philosophe sans doute un peu inventé ici. Le trio Karpiena/Sourisseau/Lafourest s’y entend en contraires. Et en joie aussi. Du fond de leurs gosiers comme dans l’assurance des trois paires de pognes en action. C’est joyeusement ébouriffé, c’est rock, c’est pensé, c’est un peu noise. Non. Le bruit à l’ouvrage dans ce concert, c’est celui des poètes, lunaires et sonores. Celui qui vous dérange une chambre bien mieux qu’un troupeau d’ado basketteurs et fans de Muse. Sans rapport, les chansons du trio, pleines de riffs à la griffe buissonnière, tapent juste. Juste entre le cœur et l’estomac. Encore en formation, le trio. On vient de le réunir. Mais déjà prêt à s’ajuster. Lafourest défouraille avec une humilité de forcené, sa guitare éclaircit l’émotion du chant de Karpenia, en litanies et en gouaillantes. Du côté de la maison Souris, on a les rondeurs de basse assassine et goulue. En place malgré les vents contraires et le froid du canal. Concert de chants consolateurs, parfaits pour la petite assemblée médusée sous la toile du Maquis.

— Guillaume Malvoisin

Chouk Bwa and The angstromers

Fin de deuxième journée au Tribu Festival invoquant les mouvements percussifs. Sous la tendue de l’écluse, l’air humide du lieu se change en air ardent. La chaleur se propage dès les premières minutes de jeu. Rencontre incandescente, fusion des belges The Ångströmers et des haïtiens Chouk Bwa. La bouture est réussie. Émanant du rara, une des mizik rasin (musique racine) haïtiennes, transformée par l’indus un rien brûlante des bruxellois, les coups de percus, les chants scandés adoptent une cadence vaudou. Tout est transe. Très vite. Sous la toile du Maquis s’est élevé un trampoline invisible, piétiné par mille pieds impatients. Rebondissant au son des flux d’effets électro-dub massifs, manipulés par le côté belge de la force. Deux façons d’appréhender le rythme. Tout ce qui est joué acoustique est repris par les machines. Musique cyborg. Vaudou 2.0. Les deux gangs de requins rythmiciens nagent dans la même hypnose. Et dévorent tout ce qui leur fait face. Leur mix parfait mizik rasin/dub industriel lie l’envie de rester planté au sol pour ne pas en perdre une note, au besoin inéluctable de bondir sous l’effet et de se prendre un bon bain de reverb.

— Selma Namata


photo © Edouard Barra / Tribu festival

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