Tinashe, inconditionnel rebond

Dans l’héritage du jazz, il y a deux types de types. Et cest sans doute plus vrai quand ces types sont des femmes. Parmi elles, certaines confient leur mérite à un label qui leur donnera la fame. Dautres prennent le risque de se jeter seules dans l’industrie musicale aka la fosse aux lions. Inconscientes, sans doute. Audacieuses, assurément. Mais, libres, ça, c’est certain. Tinashe (prononcer Ti-nah-sheh) est de celles-ci. Elle ose. Beaucoup. R’n’B d’abord puis pop, hip-hop, électro, balades et musique alternative passent entre ses mains. Chanteuse ? Oui. Productrice de musique ? Bien sûr. Compositrice ? Oui, aussi. Danseuse ? Oui, encore. Actrice ? Oui, parfaitement. Contrainte par aucune chaîne, Tinashe tente, teste et retente. Guidée par le seul plaisir dexpérimenter. Juste le plaisir. Simplement.

Tinashe Jorgensen Kachingwe naît en 1993 dans le Kentucky et grandit à Los Angeles, le berceau des stars. Dans les nineties aux USA, la hype est aux girls groups. Destinys Child, TLC et les Spice Girls se sont imposées dans les esprits. Les années 2000 ont voulu suivre cette tendance, gros fail. Pourtant, en 2007, Tinashe se laisse embarquer dans la mascarade avec The Stunners. La page Spotify du groupe, entièrement vide, donne un aperçu de cette réalité du fail des girls bands. 5 ans plus tard, le groupe est dissout et Tinashe entame une carrière solo. Elle a 19 ans et balance dans le game deux mixtapes faites maison, In Case We Die et Reverie. C’est très bon. Bingo, RCA la signe. Deux ans plus tard, c’est le premier album, Aquarius. Ses sons pop grimpent dans les charts. Sa voix, capable daller dans des graves à la limite de langoissant pour remonter juste après dans des aigüs angéliques, intrigue. Les critiques sont bonnes. Mais, voilà. La réalité du showbiz se rappelle à Tinashe, RCA la met de côté. Pour celles qui apportent le succès. Pour celles qui vendent plus. D’après certains, l’argent serait la marque du  succès. Mais Tinashe n’est pas de cet avis. En 2018, elle lâche son label et crée le sien, Tinashe Music. Mieux vaut être seule que mal accompagnée, non ? Cette prise d’indépendance la fait senvoler. Songs For You (2019) et 333 (2021) la replacent sur le devant de la scène, et affichent au passage des textes plus persos, des prods plus éclectiques et une maîtrise sonore impressionnante. Le mélange s’affine : pop, hip-hop et électro. Ultra divers et complètement cohérent.

Côté bio, Tinashe naît donc en 1993 et grandit au fil des auditions de chant, de danse et dacting à L.A. . Son père est zimbabwéen, sa mère danoise, on imagine assez facilement peser sur ses épaules les préjugés liés à toute chanteuse noire. Ce genre de préjugés qui met toute chanteuse noire issue du jazz, du blues, du R’n’B ou du hip-hop face à des raccourcis misogynes et racistes. Ecouter Four Women de Nina Simone, pour en savoir plus. Tinashe, quant à elle, milite. Pour #BLACKLIVESMATTER, pour les libertés de la communauté LGBTQIA+ et pour l’attention dûe à la place des femmes noires dans l’industrie musicale. Parallèlement à son engagement militant, son engagement artistique est tout aussi affirmé. On la voit dans Le Pôle Express (Robert Zemeckis, 2004) et poser un feat. sur le Slumber Party de Britney Spears. Bref, Tinashe semble à l’aise partout. À 29 ans, l’indépendance n’est pas la moindre de ses qualités. La liberté de ses choix et de ses idées contribue à faire bouger les lignes des codes qu’elle retourne et détourne. À l’aise, nourrie par une envie évidente. De l’envie, juste ça. La sélection, strictement subjective, des 4 titres de cette page devrait suffire à vous en convaincre.


Ellinor Bogdanovic

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