Reverse Winchester :
Mike Ladd, Mathieu Sourisseau
festival Sons d’Hiver, Villejuif, vendredi 24 janvier 2020.
Va savoir comment un set de musique vient te forer le crâne. Et vient chercher tes mots quand tu es assis en face. Le vocabulaire s’allume parfois, contre toute attente. À Villejuif, pour le set de Reverse Winchester, deux mots : imprécation, empeigne. Dans ses mini-homériades, Reverse Winchester trafique avec ses deux noms communs.
La couverture, la carapace du duo a le cuir épais. Ciré et lustré comme un dimanche. Depuis sa récente création, aux alentours de janvier 19, le duo a garni sa doublure en classe supérieur, en corps puissant et en frontalité scénique. Rappelons ici que chacun a décidé de jouer hors de ses clous. Pas de MPC ni de beats souteneurs pour Mike Ladd, pas de basse éthiopique ni de cavale postière pour Mathieu Sourrisseau. Reverse Winchester s’est fait un nom et la main. Vautré un peu plus dans le blues, décharné un peu plus sur ce qu’il lui reste de folk. Plus tout à fait monochrome, loin d’être porté sur le chromo des clichés du bleu. Et, sous son blaze en forme de paradoxe suicidaire, ça vient poser son petit théâtre de saynètes torves, de considérations sur l’histoire de la nation USA — et de sa mauvaise digestion des couleurs — sur les genoux des auditeurs. L’œil malin, le sourire retors. La voici, l’imprecation, dont nous parlions plus haut. Dans cette voix qui sourit d’abord pour mieux vous bousculer plus tard et faire que ces stories, râpeuses, lucides et intimistes, deviennent des pans de votre mémoire que vous auriez oubliés. Ça, c’est assez balèze comme manipulation, un genre bien plus efficace que n’importe quelle fake news balancée sur Twitter. « We are not alright / But we doin’ fine ».
Parlé-chanté carrément brut, voire brutal. Fluidité et grain impeccables de la guitare. Pas besoin de convaincre, le duo possède ses moyens en plein, l’assemblée cède à un moment ou un autre. L’énergie initiale du duo a changé de camp. Là où elle traçait des plans sur la comète hier, aujourd’hui, elle s’octroie des charges cavalières. D’aucun appelleront ça merveille ou magie, je crois qu’on appelle ça le métier.
English spoken, here.
Who knows how a live set of music gets into your head and grab some words. It lights up sometimes, against all odds. In Villejuif, for the Reverse Winchester live, two words: imprecation, upper. In his mini-homeriads, Reverse Winchester deals with its two common terms.
The upper, the duo’s shell is made of thick leather. Waxed and glossy like a beloved Sunday thing. Since its recent creation, around January ’19, the duo has filled its flycases with a powerful body and stage gesture. Let’s recall here that everyone has decided to play beyond its habits. No MPC or pimp beats for Mike Ladd, no Ethiopian bass and no mail delivery for Mathieu Sourrisseau. Reverse Winchester has practiced and made a name for himself. It’s a bit more into the blues, a bit more emaciated on what’s left of its folk lines. No longer completely monochrome but far from the chromo of blue clichés. And, under his name dressed like a suicidal paradox, the duet puts its wicked sketches and its considerations bout the US nation history – and its poor digestion of colours – at the listeners’ knees. The eye is clever, the smile is a bit twisted. Here it is, the imprecation we were talking about earlier. In this voice that grins at first and later makes these stories, raspy, lucid and intimate, become parts of your own forgotten memory. That’s a pretty big manipulation, much more effective than any fake news that reaches out on Twitter. “We are not alright but We doin’ fine ». Some would call it wonder or magic, I think that’s what happens when someone’s doin’ the job.
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Guillaume Malvoisin
photo © Heike Liss
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— Newburn, Reverse Winchester (Freddy Morezon, 2019)
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