Hermeto Pascoal E Grupo
festival Sons d’Hiver, Maisons-Alfort, mardi 4 février 2020.
Hors des codes, hors du cadre. Des limites même d’une chronique. On retourne à l’essence de la scène : la rencontre entre deux assemblées. Une, venue jouer – ici au sens premier – et une autre, venue s’activer à entendre puis finir par écouter. C’est beau. Dans la salle qui tarde à s’éteindre, se font entendre quelques oiseaux impatients de la venue du maître. Puis deux légionnaires de la future cohorte en verve commencent le set en backstage. Jota P. et Cacau de Queiroz, le vieil ami en visite, tenor et alto. Puis un quarté de mini-fanfare fifrée pour venir perturber l’entame des deux cuivres turbulents. Puis le maitre, la légende. Hermeto Pascoal, physiquement plus proche de Tortue Géniale que d’un géant de marbre, est immense, agite à peine la main pour driver son ensemble, poser une rupture ici, signer un bon de sortie là. Sans plus de théories, ça joue. C’est beau, c’est très beau. Non-stop et sans économie. Même les pauses et les ruptures ne semblent pas prendre de repos. Relances ou contrepoints qui marieront l’idiome brésilien au freefunk nuevo-yorkais. Longue plage de freeterie-sud-américaine. Arrimée au plaisir d’en découdre, riche d’un patrimoine insondable de densité. Ce set sera cursif ou ne sera pas. Oi.
Ce ne sont pas les clusters d’André Marques au piano ni le drive sans faille des pads percussif qui viendront jouer les grippe-sous. Ici, la générosité n’est même pas une question. Un peu comme pour la carbonnade flamuche. Mais en plus solaire. Et en plus carré aussi. Voir comment Jota P. fait sortir son sax soprano des clous du jazz pour flirter avec les frontières du trad. L’humour a la même place que le dièse, la même importance que le quart de ton. Idéal pour faire du détail et produire les formes de joie nécessaires à notre époque. Pascoal reste attaché à son concept de musique universelle. On la trouve partout jusque sur les tabliers qui enrobent le sextet. Chacun des musiciens porte une musique qui lui a été dédiée par le maitre. Au public de les photographier. Photo, réseau sociaux, n’importe qui pourra l’enregistrer. Les droits sont libres. Plaisir d’offrir. Au sein du Grupo, le respect court. Chacun a son outil mais touche sa bille sur l’ensemble de l’établi. Joueur et spectateur du plaisir des autres, du bonheur des âmes. On aura vu et lu Hermeto Pascoal se faire affubler du qualificatif de sorcier. Corrigeons ici. Sourcier qui fait jaillir le feu chez l’autre, ou alors alchimiste, sachant réunir des éléments qui finiront par produire de l’or. Impur et magnifique.
English spoken, here.
Out of frame. Even beyond a chronicle’s principles. Ladies and Gents, here is the essence of the scene: the meeting between two assemblies. One came to play and the other came to listen. It is beautiful. In the venue, which lights are late to fade away, a few birds can be heard, whistled, impatient for the master’s coming. Then two legionnaires of the future cohort begin the set from the backstage. Jota P. and Cacau de Queiroz, tenor and alto. Then a quartet of a tiny marching-band to disturb the two turbulent brass. Then the master, the legend. Hermeto Pascoal barely waves his hand to drive his ensemble, make a break here, sign an release voucher there. Without further theories, the ensemble plays. It’s beautiful, very beautiful. Non-stop and without economy. Even breaks and break-ups don’t seem to get any rest. Relaunches or counterpoints that will marry the Brazilian idiom to the Nueva York freefunk. Tied to the pleasure of arguing, rich in an unfathomable heritage of density. This set will be cursive or not. Oi.
It’s not Andre Marques’s clusters on the piano nor the flawless drive of the percussive pads that will play the gripper. Here, generosity is not even an issue. It’s a bit like the Flemish Carbonnade. But more solar. And squarer too. See how Jota P. takes his soprano sax out of the nails of jazz to flirt with the borders of traditional music. Humour has the same place as the hash, the same importance as the quarter tone, ideal for detail and to produce the forms of joy necessary for our times. Pascoal remains attached to his concept of universal music. It can be found everywhere, even on the aprons that cover the sextet. Each of the musicians wears a piece of music dedicated to him by the master. It is up to the public to photograph them. Photo, social network, anyone can record it. The rights are free. Pleasure to offer. Within the Grupo, respect runs. Everyone has his tool but plays fairly on the whole workbench. One time player and another time spectator of the others pleasure, of the happiness of souls. Hermeto Pascoal has often been described as a sorcerer. Let’s correct that here. Seeker who makes fire spring forth in others, or alchemist who knows how to bring together elements that will eventually produce gold. Unclean so beautiful.
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Guillaume Malvoisin
photos © DR
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