Columbia Icefield, Nate Wooley

festival Sons d’Hiver, Arcueil, mardi 28 janvier 2020.

Nate Wooley, trompettiste
festival Sons d'hiver 2020

Facile. Caspar David Friedrich et son petit bonhomme, impeccablement coiffé, face à la nature infinie, nébuleuse et, in fine, presque menaçante. Chantre du romantisme, figure du défi impossible, icône adolescente. Absolu, posters et prote-clefs. En terme de reconstruction des rapports homme/nature, Nate Wooley occupe la même posture. Mais en 2.0 et droit au but. Plongeon intime dans les structures que le naturel sait parfaitement développer. Ici, c’est du glaçon. King Size. Un glacier en fait. Celui de Columbia Icefield, au cœur des Rocheuses. Affichant désaccords, dissonances et ruptures. Wooley s’est donc taillé un quartet de sabreurs pour en rendre compte. C’est quoi être un homme face des tonnes de glace millénaires ? C’est quoi expérimenter physiquement par l’œil d’abord puis le corps entier la puissance d’une telle masse ? La glace apparente, la surface dure et ce qui gigote en-deçà, ce qui change sans prévenir. Ce qui rassurera aussi quand l’œil aura enfin compris les contours et la forme. Pour piger qu’il y a, là, une alliée à cajoler. Et la musique de Wooley joue avec cela les formes glissantes, le fond grumeleux (trompette et drums), les coups de scies, les jonctions et les divergences de timbres et de tempos. Et pour ne pas tirer sur le laïus épuisé par les redites, ni trop réchauffé par les catas ambiantes, Nate Wooley vise l’autoportrait. À quatre paires de mains. Quartet versé tout entier sur la faille et l’ouverture. Mary Halvorson (guitare électrique), Susan Alcorn (pedal steel guitare) et Ryan Sawyer (batterie, spoken words) pour l’épauler dans cette introspection, sans concession, servie par un line-up de cowboy : trompette, lapsteel, guitare sur roulements de tambours. C’est patient, pointilliste jusqu’à être pointilleux, furieux de détails et de quarts de tons. Ça joue avec une fébrilité qui semble aussi rare dans l’abscons que dans le lyrique fin mais franc du collier. Mais ici le quadrille a la figure élimée des catastrophes imminentes, des urgences à régler. Les superstructures glacées de Columbia Icefield sont immenses, insensées, terrifiantes et familières aussi. Reste à intérioriser cela pour se ressourcer, le traduire en musique pour transmette l’énergie qu’on y aura puiser. Si tu veux parler du monde, parle d’abord de ton village. Facile.

English spoken, here.

Easy. Caspar David Friedrich and his little man, impeccably groomed, facing the infinite, nebulous and de facto threatening nature. Champ’ of romanticism, figure of the impossible challenge, adolescent icon. In terms of reconstructing the relationship between man and nature, Nate Wooley occupies the same posture. But in 2.0 and straight to the point. An intimate plunge into the structures that the natural world knows how to develop perfectly. This is ‘bout ice cubes. King Size. An icefield, actually. Columbia Icefield, uplifted in the heart of the Rockies. Displaying disagreements, dissonances and ruptures. So Wooley has carved himself a quartet of swordsmen to account for it in music. What’s it like to be a man in the face of tons of thousand-year-old ice? What is it to physically experience first through the eye and then through the whole body the power of such a mass? The apparent ice, the hard surface and what is wriggling beneath it, what changes without warning. This will also be reassuring when the eye has finally understood the contours and shape. To understand that there’s an ally there to cuddle. And Wooley’s music plays with this the slippery shapes, the lumpy background (trumpet and drums), the saw strokes, the junctions and divergences of timbres and tempos. And so Nate Wooley aims at self-portraiture. With four pairs of hands. A quartet fully involved with the rift and the opening. Mary Halvorson (electric guitar), Susan Alcorn (pedal steel guitar) and Ryan Sawyer (drums, spoken words) support him in this uncompromising introspection, served by a western line-up: trumpet, lapsteel, guitar on drum rolls. It’s patient, pointillist to the point of being picky, furious with details and quarter tones. It plays with a feverishness that seems as rare in the abstruse as in fine and frank lyricism. But here the quadrille has the whipped face of imminent disasters, emergencies to be dealt with. The icy superstructures of Columbia Icefield are huge, senseless, terrifying but familiar too. We must internalise this to recharge our batteries, translate it into music to transmit the energy we have drawn from it. If you want to talk about the world, first talk about your village. Easy tip.


Guillaume Malvoisin
photos © DR

+ d’infos sur le festival Sons d’Hiver
+ d’infos sur Columbia Icefield

Disque de Nate Wooley
Columbia Icefield

D’autres chroniques de live pourraient également vous intéresser.
C’est par ici.

Share This