Saib.

Bruts mais délicats, les sons de Saib. s’enracinent dans son parcours de beat-trotter infatiguable. Créées au Maroc, en Chine ou, aujourd’hui, à Berlin, ses mélodies sont aussi nostalgiques que puissantes.  Son set au Singe en Hiver, est l’occasion d’une interview avec un DJ fan de Manga, de Joe Pass et de drums bien granuleuses.

par | 30 Nov 2023 | interviews, articles

Saib.

Saib., tu es DJ et beatmaker, tu es plutôt club ou plutôt studio ?
Maintenant que j’habites à Berlin, je suis plus club (il rit)… Je suis plutôt introverti même si, en ce moment, je suis pas mal branché House. C’est dû à Berlin, où je sors pas mal en club pour aller écouter les DJs, voir ce qu’ils composent, profiter de la culture musicale de la ville. Sinon, je suis souvent devant mon ordi, à la maison, avec mes enceintes et mes guitares.

Un mot sur le set à Dijon ?
Ce sera un mélange de pas mal de mes prods, jazz et hip hop, un set en SP 404, c’est le style parfait pour boire une bière, se détendre et parler entre potes. (il explose de rire)…

Si on parcourt ta page Bandcamp, il y a une très grosse prod. Tu es hyperactif ou tu conçois ton parcours de beatmakers comme un work in progress ?
Pour moi, la musique, c’est toujours une progression. C’est toujours en parallèle avec ce que je vis. J’ai commencé la musique en passant le Bac, je m’y suis vraiment mis à l’Université quand j’avais beaucoup de temps pour digger, pour trouver de bons samples pour faire de bons morceaux. Là, je suis à Berlin. C’est un rythme de vie différent, je produis un peu moins de hip hop. Par exemple, je prépare une sortie plus House. La musique est une preuve de mon progrès dans la vie. Quand je compare mes morceaux dans le temps, ils me racontent mes avancées personnelles, celles de mon état d’esprit.

Je découvre ton son avec City Lounge, sur une compile du label bordelais Hip Dozer. Comment tu as fabriqué ton style ?
J’étais vraiment branché manga et animés. Les soundtracks m’ont toujours beaucoup touché, notamment celles du Studio Ghibli, de Yoko Kanno et de Shirō Sagisu, tout ce que tu entendais au milieu des épisodes. C’est grâce à eux que j’ai découvert la bossa nova et que je suis allé fouillé ensuite dans la musique brésilienne, c’est la samba qui m’a amené au jazz. Au même moment, je commençais à apprendre à jouer de la guitare. J’étais branché fingerstyle, comme le jouait Don Ross entre autres, puis j’ai eu ma période prog’ rock avec des gens comme Guthrie Govan ou Porcupine tree (il rit)… Ma musique s’est faite avec ce mélange de métal, de prog et de bossa nova-jazz.

Comment tu rencontres le hip hop puis décides de devenir producteur ?
Mon grand frère, qui habitait en France à l’époque, m’a offert une version d’Ableton et m’a dit d’essayer d’enregistrer mes guitares, d’en faire des loops. J’ai commencé comme ça. Vu que j’écoutais pas mal de soundtracks d’animés, j’en ai samplé quelques parties et, au même moment, il y a eu une grosse vague sur Soundcloud de musiques inspirées de J Dilla et de Nujabes, j’ai suivi avec mon mélange d’animés et de drums que j’écoutais en ligne.

Tu es guitariste et tu cites souvent Joe pass comme influence.

J’étais grand fan, j’avais toute sa discographie. Son style de jeu, ses progressions d’accord, c’est unique. J’ai samplé pas mal de ses tracks. Joe Pass m’avais vraiment marqué au Lycée. Surtout un disque à lui qui s’appelle Intercontinental, mélange de swing et de latin jazz. J’adorais sa façon de mélanger le Bebop et le jazz latin. C’est, pour moi, proche du mélange hip hop et jazz.

En 2015, tu sors Japanova. en hommage à Towa Tei : qu’est-ce qui te touche chez lui ?
J’adore son style, le mélange bossa et musique électronique, c’est très japonais, un peu déjanté… Même le personnage, ses vêtements, sa coupe de cheveux, ses lunettes de soleil, je suis assez fan, c’est unique et, alors très nouveau, j’imagine. Ça correspond, pour moi, à l’époque où je découvre les sonorités asiatiques. Towa Tei m’a énormément inspiré.

Japon encore avec ton disque consacré à Cowboy Bebop ? C’est le Maroc qui reprend le japon reprenant la musique des USA : le jazz et le blues…
(Il rit)… Oui, c’est un aller-retour entre le Japon, le Maroc et le jazz. Bebop était un de mes animés préférés, j’ai grandi avec. Étant fan de Yoko Kanno, je voulais faire un truc proche de sa musique mais beaucoup plus poussé sur l’aspect hip hop, avec encore plus de swing, avec des drums venues de Detroit et de la musique japonaise. J’ai samplé la bande son originale puis d’autres soundtracks. J’ai ajouté des morceaux de jazz des années 60 et 70, qui étaient dans le thème de Bebop, ce mercenaire de l’espace qui combat les criminels. Je voulais garder cet esprit.

Et il y a ce track, Moroccan Streets.
C’est intéressant car le morceau original est dans le film. Sur ce track, Yoko Kanno a invité des mâalem marocains à venir composer et chanter. C’est inspirant de la part d’une compositrice japonaise. Il y a une section dans le film où le héros déambule dans un endroit qui ressemble à un souk de Marrakech et on y entend cette musique. C’est pas mal surprenant comme représentation pour un animé.

Tu cites aussi le hip hop 90 comme ref, ce serait quoi le son ultime ? Le son de hip hop qu’on ne peut pas ne pas avoir entendu avant de mourir ?
(Il rit)… J Dilla qui produit Players de Slum Village !


propos recueillis par guillaume malvoisin, novembre  2023
photo © Alyssia Reissler

D’autres interviews pourraient
également vous intéresser.
C’est par ici.

Share This