Noise, palace
et parfaite delicatesse

Météo, Mulhouse Music festival, vendredi 25 août 2023.

Kim Myhr sympathetic magic

Clara Lévy / Alexis Degrenier

Pour interroger, il faut produire. Certes. Evidemment, on ne parle pas d’interrogatoire à la Charles Bronson, shérif du Bronx sur les écrans des eighties, pour qui la frappe produite entraîne des conséquences d’un âge heureusement ancien. Produire de la frappe, c’est aussi le boulot du duo d’ouverture de ce jour 3. Clara Lévy, entendue plus tôt pour Bambin Bamboche, et Alexis Degrenier, âme noircie de La Tène, produisent, in extenso et, ensemble, dialoguent. Patiemment. Dans l’ultra, dans l’infra et dans l’extra. Donc, le duo interroge, forcément. Les deux musiciens interrogent leurs propres résistances, techniques et régularités, les empans de leurs instruments (percussions versus violon), mais iels interrogent la nôtre également, de capacité. Capacité à s’oublier dans leurs ostinatos, suraigus ou frottés au bord de nos limites d’écoute, décentrés des codes de production actuels donc politiques. Car pour produire, il faut aussi détruire. Le duo s’y emploie par l’hypnose née des répétitions et de l’espace sonore densifié avec maîtrise, nous interroge dans leurs unissons comme dans leurs décalages. Interroge nos heurts et douleurs de leur petites dramaturgies démocratiques magistrales. Simplicité apparente, économie de moyens alliée à une puissance d’évocation tellement claire et évidente que même Charles Bronson ne pourrait la dézinguer d’un coup de .475 Magnum.

Courtois Fincker Erdmann
Kim Myhr Sympathetic Magic
Kim Myhr Sympathetic Magic
Courtois Fincker Erdmann
Kim Myhr Sympathetic Magic

The End

Toute force est-elle un possible recommencement ? On n’en saura guère plus avec The End, my only friend, the end, affaire sonore contenant autant de « shit » et de « fuck »que de notes jouées très très fort par Mats Gustafsson. Le scandinave turbulent est de retour à Mulhouse. Après les Fire, Luft et autre Thing domptées au fil des années, il l’annonce : c’est la fin. The End, dont acte. Mais ceci doit moins à une éventuelle reprise morriso-dorsienne post apocalyptique qu’à un tribute à ses racines locales et telluriques. À une envie aussi, qui le lie à Kjetil Møster, l’autre sax du combo. Très vite tout est en place. Ça joue de tensions, sur des surfaces vibratiles à l’excès, en maîtrise amusée, en sax doublés ou remplacés par la flûte et la clarinette pour l’occaz. La source affichée puise dans la folk, le doom rock, le free jazz, le tout cadencés par quelques riffs métal, épars. On découvre Gustafsson piètre flutiste mais vrai grand-guignol d’ambiance. Parfait pour combler l’absence de Sofia Jernberg, vocalise du quintet coincée à Munich par des orages sur l’aéroport puis par un chauffeur de taxi refusant sa Visa, à quelques mètres seulement de Motoco. Ballot. Mais intéressant, aussi. Le quartet s’aventure sur des repères simples et redondants, certes, mais dans une sorte de patience inédite. Alors oui ça vocifère, ça gueule aux étoiles comme un chat plein d’embonpoint et ça sature l’espace en puissance ascensionnelle mais il y a vraiment autre chose encore. Presque nouvelle. Une clarté du thème. Une forme de précision dans le sombre et l’inquiétant du discours. Pas de sous-texte, juste quelques ombres à saisir à la volée si le set vous a laissé encore debout après 15 minutes de tumulte. Changement de config en milieu de set, apparition quasi magique, Jernberg entre en scène, et enchaine les vocalises sans autre façon d’échauffement. Changement de rythme et d’atmosphère à son arrivée. Le fœhn reprend du galon, les landes prennent du large, et l’imaginaire aussi. Pas loin, des pistes laissées ouvertes par The Cherry Thing, il y a quelques années où The Thing invitait Neneh Cherry à ouvrir diablement des compos de son père adoptif ou deux chansons parfaites de Suicide. Pas exempte de clichés jusqu’alors, la musique du quartet redevenu quintet évite enfin les ornières repérables : « who really needs to be rescued », entend-on à sa première litanie. À vous, pour la réponse.

Kim Myhr Sympathetic Magic
Kim Myhr Sympathetic Magic

Deeat Palace

Tout palace est ainsi fait. D’ors et d’ordures. Les hautes voûtes du Defeat Palace drivé par Marion Camy-Palou s’éclairent de tungstène et semblent repeintes à l’uranium. Tout irradie et irradiera encore longtemps dans ce set, expé en diable, en Dieu aussi. Impossible de savoir de quel côté tomberait la pièce. Impossible de prédire quelle confession pourrait changer ce son monolithique et dense, enchainé et écrit loin des contes pour enfants sages. Dans la noise abstraite et super élégante, passent, tranquilles, idiomes électro de base (beats dark, sirènes tubulaires ou drones cristallins). Friction parfaite, composition ultra raffinée, soin des détails impressionnant. Defeat Palace reste et restera classe dans ses mini-dômes soniques, dans ses patterns éveillés jusqu’à faire mal jusque dans ses ruptures sans équivoques. C’est beau. Dense, on l’a dit. Irradiant, on le redit.

Victoria Shen

Wall Of Sound, blonde platine et Bondage sonore. « Le bruit, ce n’est pas de la musique. C’est une façon de ressentir ces sets.»

Kim Myhr Sympathetic Magic
Kim Myhr Sympathetic Magic
Kim Myhr Sympathetic Magic


Guillaume Malvoisin
photos © Alicia Gardès
aliciagardes.com / instagram

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