L’Amour, la vie et 200 doigts nordiques
Météo, Mulhouse Music festival, mardi 23 août 2022.
Courtois/Erdmann/Fincker
Love Of Life, oui oui. Mais, cette fois-ci, à l’envers. La vie d’abord. La vie dotée d’une puissance d’amour sans faille ni négociation. Organique, brûlante et aussi impatiente qu’un Primoz Roglic en début de Vuelta cycliste. Y’a pire manière d’ouvrir un festival de musiques et d’improvisations. Ce soir, Météo reçoit Courtois/Erdmann/Fincker et le trio a les deux pieds dedans, justement, dans l’improvisation, dans l’intensité. Exit, ici, Jack London et l’Amérique corrigés par le génial lyrisme à la française. Exit, enfin presque. Sur la première phase improvisée, les fantômes du blues traînent leurs chaînes et leurs grelots dans les pavillons et sous l’archet. Le genre de came splendide et immédiate qui libère les chiens que vous avez dans la tête. Ce qui est joué par la doublette de sax tenor, Robin Fincker/Daniel Erdmann, versus le cello, Vincent Courtois, comme ce qui se joue entre eux, a la gueule du présent impérieux. Rien d’imparfait, on est là, on est bien. Ici et maintenant. Le pedigree et la maitrise d’attaque, la finesse et l’art de la dynamique mettent en jeu une complicité d’acier. Chacun des 3 fouisseurs rend chaque volute tendue comme un tir sur Zaporijjia. Tout s’avère aussi dangereux qu’enveloppant. L’urgence fait un joli coup double pour celleux qui écoutent. Elle provoque et protège. Sonore, physiquement agglomérée et limite un peu garce. La liberté, elle, percluse d’amour, fait le reste. Soit la beauté, ténue et magistrale, de la musique de ce trio.
Kim Myhr ‘Sympathetic Magic’
Mais bazar, que vient donc faire une des têtes de pont du free nordique sur les terres de la lysergie pour hippipster ?! S’amuser, et mettre le chaos, pardi. Pas d’autre explication. Kim Myhr et son ‘Sympathetic Magic’ ont dû croiser le Magical Mistery Tour, le prog rock et le psych-jazz en d’autres temps, en d’autres lieux, j’imagine. Chacun sait qu’au Motoco, la meilleure place est debout, appuyé d’une épaule contre un des poteaux de la salle, l’autre servant à tenir la fameuse bière de festival. Et c’est cette même place qui colle au poteau le défi sonore de ce projet, d’une densité dingue, en manque de basses rondes. Carrément fournis en harmonies vocales perchées sur l’infini et au-delà, armés de guitares sûres d’elles-mêmes, ces sultans du swing bancal tentent leur greffe des codes du pysché sur la chanson folk et l’impro lettrée. Résultat, un instrumentarium aux allures de devanture pour Galland Musique, de longues phases ascensionnelles gaulées comme un générique de saga scandinave, un leader en t-shirt Tie-Dye. Tant pis si ça cligne d’un œil appuyé sur les seventies, tant pis si la puissance temporise un peu ici ou là dans les changements d’instruments, ça reste assez classe, sous le décorum de marché de saltimbanques. L’espace sonore grouille et vibrionne de joie de vivre, on y croise des white rabbit, des montées acides et des battues elvinjonesiennes. C’est assez beau, puissant et c’est pas loin d’être majestueux. Les claviers d’Anja Lauvdal n’y sont pas pour rien, les timpanis d’Ingar Zach auraient pu renverser la table. Myhr disait, plus tôt dans la soirée, aux micros de fréquence Météo que sur le disque que le groupe a sorti la semaine dernière, il y avait parfois jusqu’à 200 prises à mixer ensemble. On le sait la taille importe peu, après tout, à 4, le Velvet a fait le meilleur bruit sur Venus In Furs. Là, le groupe n’est peut-être qu’un petit nonet, mais avec 200 doigts habiles à chaque main. Reste à imagine la force de frappe, la puissance à plaisirs.
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Guillaume Malvoisin
photos © Alicia Gardès
aliciagardes.com / instagram
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