Manu Dibango, papa groove
Le Mot et le Reste sort une série d’entretiens menés par Yves Bigot auprès de Manu Dibango. Le père de l’afro groove se livre sans fard et avec humour.
Manu Dibango, au festival de Cannes en 2005 © BEBERT BRUNO/SIPA
Il y a des mélanges qui impose des évidences mystérieuses. Le cas de ce Manu Dibango par Yves Bigot en est un exemple qui cadre dans la lucarne. Si on mixe la passion du foot et la science de la musique, obtient-on naïvement et rapidement en tête l’afrogroove ? Ces entretiens recueillis patiemment auprès de Papa Groove s’imposent ainsi. Ça remonte le terrain, ça distribue des angles-clés et ça score sans peine dans vos cages. Passionné, passionnant, la doublette n’est pas forcément de mise, mais ici elle joue sans problème. La parole de Manu Dibango (1933-2022) est au moins aussi libre que son jeu de sax ténor, que le jeu de ses influences. Celles qui sont décrites par le menu, dans ce livre-collecte, vont propulser un gamin camerounais en plein cœur de la diaspora du groove africain, celle qui fonde une bonne partie des sons qui sortent le plaisir et le bonheur de l’ornière de la world music. On ne paraphrasera pas ici le bouquin d’Yves Bigot, grand frère cher à ces colonnes, ne serait-ce que pour son « rap-rap-rapiiiidoo » calé avec Antoine De Caunes sur le service public, qui nous a plus d’une fois, ado, déboucher les oreilles. Mais on ramènera facilement la lecture affamée de ces entretiens drôle et profonds à cette citation : « La liberté absolue. L’imagination sans borne. Le jazz est l’enfant de l’union de deux continents, même si la raison de cet accouplement est épouvantable. Mais les plus belles fleurs poussent souvent sur du fumier. L’esclavage, la traite des Noirs, le commerce triangulaire, en l’occurence. C’est la musique du XXe siècle, qui ouvre sur toutes les autres musiques, jusqu’au classique. » Et ces classiques, Dibango les connais. Citant Bach ici dans ses premières productions pour la TV et les films documentaires, remodelant Ravel et Debussy dans la gamme pentatonique. Pour le reste de la pensée d’un homme qui n’ au de cesse d’être en mouvement au cœur de sa liberté, il y a 176 pages rythmées dans leur lecture par une petite voix sifflant « Mama sé, mama sa, mama makossa ».
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Guillaume Malvoisin
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