La Magnifique Society

Chronique live. Reims.
La Cartonnerie, Parc de Champagne, 24 juin 2022

par | 29 Juin 2022 | concerts

La Magnifique Society 2022

24 juin, Reims. La Magnifique fait société et PointBreak plonge les dents en avant. Dans le viseur, 3 noms célébrés dans les playlists et les pages du mag. 1 Madone, 1 légende et 1 quartet carré. Hors ligne éditoriale, une invitée pendulaire s’invitera entre deux sets. Courtney Barnett, pilier-relève de la country-noise, fille légitime du trouble Chrissie Hynde-Patti Smith-Neil Young, crush indiscutable de la soirée du festival. Volubile, racée, efficace. Les dents en avant, on vous dit.

Plus tôt, en ouverture des 3 jours de cette Magnifique Society 2022, c’est une autre fille qui prend le flow. Emma-Jean Thackray, version quartet amputé du sousaphone sweet and sour de Ben Kelly. Dommage. La basse électrique, jamais en reste pour deux bémols et trois bécarres, remplace le soufflant et le set s’en trouve moins rond mais assuré d’un rebond. Redoutable. EJT, attifée en Run-DMC 2.0, en profite pour pousser encore plus ses embrouilles d’écoutes. Hip hop, free jazz, groove impénitent et tentations R’n’B. On verse dans le sunshine groove, dans le paradoxe lumineux. Lumineux, c’est joli pour un combo venus des bords de la Tamise. Dougal Taylor, aux drums, joue toujours aussi serré et heurté, parfait pour le Blue beat. Aux Rhodes, Lyle Barton sert une touche toujours aussi blue morose, parfait pour le break beat. Puis la tête du quarté gagnant, EJT herself, Madone tout juste assise sur ce mélange ascensionnel, au sens mystique du mot. Chamanique, vertical et transcendé. On monte aussi, bouche ouverte, on aura sauvé quelques dents du crash. 

Oldie but Goldie, Classic shit. Voici le bon coup de cette journée. Légende ? Oui. Nostalgie ? Oui. Américaine ? Oui, aussi. Donc attendue, désirée, par dépit ou curiosité. Dépit pour ceux qui n’ont pas connu la période Miles. Curiosité pour les autres. Ça vieillit comment une icône ? Comme un bon rhum, on dirait. Tout à fait V.O.S.P. Parfaitement nostalgique. Pas assez corsé pour certains, marrant pour les autres. Et dansant pour quelques kids en bob et en mini-transe. Sinon, Hancock a la gonade toujours claire même dans la reprise d’une vieillerie magnifique comme Footprints. Lionel Loueke et Terence Blanchard y sont pour beaucoup, dans l’emphase reconstituée de la période électrique, dans certains sauts harmoniques plus contemporains aussi. On passera pudiquement sur le son de la batterie de Justin Tyson. Pad, pad, pad, trop de pad, lapin. Pour le reste du set, tant pis pour les grincheux, c’est clean, calibré à l’américaine (oh, les chorus jouées à la montre). Herbie est là. Au grand piano, main droite sautant du Vieux-Carré from Nola au Space-spirit des seventies. À la guitare-clavier sur laquelle Proof n’a plus rien à prouver. Ailleurs, le vocoder ne ramènera malheureusement pas Rock It mais pose la couleur de cette heure de live. Bleu clair, Brown puissant.

Le reste tombe des nues et sur les épaules des fans et des kids à la nuque rapide.

On l’a dit et redit dans ce mag, BadBadNotGood c’est BonBonTrèsBien. Quoi dire de PlusPlusMieux ? Rien. C’est bon. Si, peut-être qu’on allait à ce set posé à 22h20 au Club Trotter sur la pointe de pieds. Un peu orphelin du départ de Matthew Tavares après cette pépite callypige qu’est l’album IV, déboulé sur les platines en 2016. Tavares parti, c’est la porte ouverte aux sonorités plus soft, plus sweet, jusqu’à l’écœurement croyait-on. À tort, bro. Le BBNG version Talk Memory (Innovative leisure, 2022) reste très bon. Alexander Sowinski pilote le truc à la baguette et au double tempo. Longues montées jungle qui ne s’excusent jamais avant de frapper fort, Sowinski est costaud, de bout en bout. Le reste tombe des nues et sur les épaules des fans et des kids à la nuque rapide. Sax cristallin qui ne tombera jamais dans les chausse-trappes à la Garbarek, basse zéro défaut et Rhodes jamais en désaccord. Une des meilleures preuves que le BBNG en a encore dans le sac est cette reprise du tube ficelé avec Kaytranada et Snoop, Lavender. Sans sax, en mode post rock avant de verser dans un solo de drums à outrance. Bienvenue, l’outrance. Trop-plein royal percuté par le VJing confié à 3 projos Super 8. Seule source lumineuse de ce concert. Et la fragilité aura pris du galon, de la puissance et pas mal de classe. Magnifique, indeed.


Guillaume Malvoisin
photos © A.Thome / D.Phibel / G.Morisset / J.Dera

+ ressources :
La Magnifique Society : site internet

 

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