Joseph Bijon a une sacrée feuille

Dans la ‘Bijon family’, voici le fils. Même reserve discrète, même soin de la mélodie, même douceur harmonique. Autre instrument cependant. Joseph Bijon crée ARK sur un coup de bluff et mélange conscience écolo et un son fluide comme une confidence dans l’oreille. Rencontre avec un guitariste secret.

par | 26 Jan 2021 | interviews

Joseph Bijon et ARK

C’est quand la première fois où tu t’es dit que tu voulais devenir guitariste ? La guitare, c’est ton premier instrument ?

À 6 ans. J’ai toujours été un fan des Beatles quand j’étais petit. J’adorais le son de la guitare du rock et en particulier celui de Georges Harrison ou de John Lennon. Et même celui de Paul McCartney sur Blackbird ! Mon premier instrument ? C’était la batterie. J’en ai fait pendant un ou deux ans avec mon oncle.

Allez, on rentre dans le dur. Pour toi, ce serait quoi le jazz ?

Lors d’une masterclass avec le pianiste Ethan Iverson, la question nous a été posée. Pour lui, c’est simple : le jazz, c’est du rythme et l’harmonie qui va avec. J’adore cette réponse car ça englobe un peu tout.

Dans 10 ans, qu’est-ce que tu conserveras de ton passage au conservatoire ?

Énormément de choses. J’ai beaucoup appris avec des profs géniaux, que ce soit en guitare classique ou en théorie. Et j’ai découvert le jazz là-bas, tout comme les musiques actuelles. C’est la première fois que j’ai improvisé. Je garderais surtout les rencontres avec les autres musiciens, tout ce vivier de musiciens chalonnais. Au moins, à Chalon, j’étais pas obligé de bouger ailleurs pour jouer.

Tu te décrirais comme jazzman ?

Oh la, non, je ne pense pas. En tout cas, j’e n’ai pas envie d’avoir cette étiquette maintenant. Je suis avant tout un musicien. Même si je suis très concentré sur le jazz en ce moment, j’ai pas envie qu’on se dise que je suis un jazzman. Je suis avant tout un musicien guitariste : ça laisse plus d’ouvertures pour autre chose.

Travelling Minds de ARK

—  la chronique du disque de PointBreak 

le making Of Travelling Minds (L’Arrosoir, Chalon s/Saône, 2020)

ARK : Joseph Bijon à la guitare, Benoît Keller à la contrebasse, Clément Drigon à la batterie

C’est quoi le dernier disque
que tu as écouté en boucle ?

Marrant, c’était pas du tout du jazz…
Robert Glasper, Fuck Your Feelings.

Comment ça travaille au sein du trio ARK ? Ça joue d’abord ou ça discute beaucoup ?

C’est principalement Clément et moi qui composons. Cependant, chacun amène ses idées et on voit comment ça sonne. Y’a un peu de discussion avec le mec qui ramène sa part’, mais on joue et ensuite on parle de ce qui s’est passé. Ça, c’est le plus important chez nous.

ARK, c’est un trio intergénérationnel. C’est important pour toi ?

Absolument. On s’était même jamais posé la question. ARK vient avant tout de la volonté commune de jouer ensemble.

Ce serait quoi les influences que tu apportes dans ARK ?

ARK, c’est mon premier projet en tant que compositeur. Ça part d’une demande que j’ai reçu pour jouer aux apéros du Crescent. J’ai accepté sans avoir de projet à ce moment-là. J’ai donc appelé Clément et Benoit, et c’est comme ça que ARK s’est concrétisé, délaissant vite un nom comme ‘Joseph Bijon Trio’. On a vite mélangé beaucoup d’influences : des atmosphères de jazz, des mélodies simples, un peu de rock — musique qui fait partie de mon ADN. Ça continue d’évoluer.

ARK : Joseph Bijon à la guitare, Benoît Keller à la contrebasse, Clément Drigon à la batterie

ARK c’est
Joseph Bijon – Guitare
Benoît Keller – Contrebasse
Clément Drigon – Batterie

On parle des titres de ta musique ? Orion, Consciousness. Ce sont des titres à programmes ?

Consciousness, c’est une morceau de Clément donc je sais pas trop. Orion, c’est une constellation d’étoiles et une des seules que je peux reconnaître dans le ciel. Mais en règle général, je ne suis pas très doué pour les titres donc j’ai pas de super anecdotes à raconter. Hara, avec une faute, c’est un morceau pour mon cousin fan des perroquets. People Square, c’est un endroit en Chine où je suis allée avec ma copine, il y a deux ou trois ans.

On entend pas mal Bill Frisell dans ta musique. C’est quoi ton rapport à l’Amérique, toi petit français né après l’époque des cowboys ?

Bill Frisell, c’est le premier guitariste de jazz que j’ai écouté. Ce qui m’a beaucoup plu, c’est que sa musique est vachement accessible, notamment parce que c’est quelqu’un qui vient du rock. J’ai trouvé tout de suite mon compte. Je suis entré dans le jazz aussi avec les albums qu’il a fait en compagnie de Paul Motian pour ECM. Il reprend des chansons folks style Bob Dylan, il a fait un concert hommage aux Beatles… Un véritable touche-à-tout.

Tu mentionnes beaucoup le son ECM. Comment tu le définis ?

Difficile comme question… La reverb’, on retrouve beaucoup ça. Un côté épuré de la musique aussi… Autre paramètre technique : l’aspect musical. L’espace, la liberté de chaque instrumentiste et de l’improvisation. J’aime beaucoup ça dans les productions de ce label.

C’est quoi les autres influences de Joseph Bijon ?

Les Beatles, Radiohead ou encore Jeff Buckley.

Si on ne devait citer qu’un seul disque fétiche pour toi ?

OK Computer de Radiohead. C’est un disque qui est sorti en 1997… Je crois que je ne me lasserai jamais de l’écouter.

Au final, quand tu crées un trio qui s’appelle ARK, tu veux sauver le jazz actuel des eaux ?

Je n’ai aucune prétention ni revendication, si ce n’est écologique : ARK, ça veut dire la feuille en norvégien. Et je pense fermement que c’est le souci dont on devrait tous se préoccuper actuellement. Mais je n’ai pas du tout la prétention de sauver quoique ce soit dans le jazz. Sans parler de jazz cependant, je suis content de défendre ma musique et de le faire, que ce soit affilié au jazz, ou au rock, même si c’est toujours difficile à étiqueter.


propos recueillis par Lucas Le Texier
photos © Clément Vallery

Cette interview accompagne la sortie, sur le webzine Tempo, d’un dossier en 3 parties signé par Lucas Le Texier, La Relève du Jazz est consacré à la jeune génération du jazz en Bourgogne-Franche-Comté.

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