jean-francois riffaud

Allers/retours en Polynésie. Pas retord, le guitariste Jean-François Riffaud détaille le patron de son Grand couturier, dessiné avec Rachel Langlais et Clement Vercelletto.

par | 3 Oct 2023 | interviews

tribu festival Riffo

Revenir au Tribu, c’est un peu un retour à la maison pour toi, non ?
Oui, il y a un peu de ça. Fred et Zutique ont soutenu le projet Electric Vocuhila, dans lequel je jouais, pour notre candidature à Jazz Migration. J’avais pu jouer aussi, ici Au Maquis, avec mon solo Betel et le quartet Parquet, la saison dernière.

Pour Le Grand Couturier, tu vas explorer les musiques hawaïennes et polynésiennes. Qu’est-ce qui t’a fait faire le stop là-bas ?
Ça fait deux ans que je fais de la guitare hawaïenne chez moi, une guitare lap steel à 8 cordes. J’ai découvert tout ça à un moment où je tripais sur ces musiques, avec toute l’idée de vacances et de tranquillité que ça génère. J’ai décidé de développer ces sonorités parce que je voulais complexifier l’image d’Épinal qu’on peut avoir de ces musiques.

Et tu t’y prends comment pour cette complexification ?
En Occident, on en a une certaine vision. Par exemple, on dit que la musique africaine est festive, mais c’est beaucoup plus profond que ça. Elle est aussi remplie de violence. Pour les musiques hawaïennes et polynésiennes, nos représentations sont nées des dessins animés ou des films qu’on a pu voir. Mais il ne faut pas oublier que ce sont aussi des musiques qui sont issues d’une colonisation et d’une appropriation culturelle.

Est-ce que ça passe par l’électrification de ces musiques, généralement plutôt acoustiques ?
Oui, même si le lap steel est la première des guitares électriques. Maintenant, c’est vrai que l’idée de ce groupe, c’est de partir de mélodies connues pour aller vers quelque chose qu’on peut transformer. Par exemple, il y a ce thème, Tales from Adventure Island, qui a été écrit dans les années 30, me semble-t-il. Ça passait dans les séries TV hawaïennes, enfin américaines. Avec Le Grand Couturier, on s’en inspire pour avoir une photo-type puis on le réécrit en improvisant. On peut aisément en changer la structure grâce à la versatilité de Clément à la batterie, qui maîtrise aussi le synthétiseur, grâce à Rachel et à son travail sur les textures sonores au Pianet T et au synthé basse.

On lit, comme sous-titre au Grand Couturier, Electric Hula.
Le hula, c’est une danse religieuse ou guerrière. On s’en inspire plus qu’on ne la reproduit sur scène. On joue une prière hawaïenne avec des samples, par exemple. Dans les musiques pré-coloniales, il n’y a pas de guitare ni de ukulélé, seulement des percussions et des voix. Ce sont les espagnols et mexicains qui ont apporté le reste, au XIXe siècle.

Comment expliques-tu alors que l’on reconnaisse d’oreille des mélodies que vous reprenez ?
Je pense que c’est une musique qui a été ultra-écoutée depuis les années 30-50. Elle a été beaucoup véhiculée grâce à la culture et au mouvement Tiki des années 50-60, qui idéalisait la Polynésie. C’est un pays qui a été très effacé par les Etats-Unis qui ont « racheté » l’histoire d’Hawaï lorsque le récit national américain a pris le dessus. Cela dit, il y a des mouvements au sein de l’Archipel, avec des gens qui produisent de nouveau des disques et qui retrouvent les origines de ces musiques.


propos recueillis par Lucas Le Texier, septembre 2023
en marge du Tribu Festival / photo © Edouard Barra

D’autres interviews pourraient
également vous intéresser.
C’est par ici.

Share This