Ikui Doki
Strasbourg, Jazzdor, mardi 12 novembre 2019.
Contraste, check. Profondeur de champ, check. Ikui Doki, pour tracer de grandes lignes pleines d’angles agiles, c’est joué comme un break de Led Zeppelin désossé pour trouver l’espace nécessaire aux drones, aux effets électroniques et aux emprunts trads venus d’Irlande ou d’ailleurs. De chaque territoire qui aura su conserver le savoir-faire, la possibilité d’inventer des hymnes fédérateurs. Ikui Doki, pour faire plus court, c’est pesé, patient, ultra tendu mais tissé de délicatesses, cependant.
Sofia Jernberg, descendue des duos telluriques qui la lient à Mette Rasmussen et des salves grands formats du Fire! Orchetra, se livre un peu plus encore de l’étendu de ses possibles, confrontée aux saillies chambrées du trio. Ikui Doki, pour faire moins flou, c’est très clair, aérien. D’aucun diraient éthérée, mais aérien suffirait ici, tant le sol est une données primordiale pour les grands sauts de ce quatuor. S’il plane, c’est nécessairement au-dessus de quelque chose. Ici, pour faire simpliste, d’une basse continue granitique et de circonvolutions anciennes, jouées au cordeau. Avec son lot d’emprunts à la légende dorée, aux archives de médiévistes, aux littératures apocryphes, l’écriture contourne les attentes. Avec son répertoire plein de mâles alpha-connus, comme Monteverdi, Dowland, mais aussi de gonz’ cachées sous le boisseau de l’anonymat, Ikui se sauve de toute tentation d’être un pensum fait de baroque et de Free. Doki peut alors faire dans la soierie contrapunctive, dans la noise passionnante, harpée par Rafaelle Rinaudo, dans le free frisé comme sur cette resucée parfaitement oblique de l’ouverture de L’Orfeo. Ce nouveau programme, créé en partie à Jazzdor, s’appelle Suzanne un jour. On devrait largement en compter quelques autres, radieux.
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Guillaume Malvoisin
photo © Mathieu Bouillod
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