un soir a l’echappatoire

Belleherbe, Doubs
samedi 2 mars 2024

par | 6 Mar 2024 | articles, concerts

echappatoire © Bernadette Nguyen

Posé sur la bosse d’un virage de la D32, L’Échappatoire surplombe. La culture des villes, le malaise rural, les temps modernes et moroses. « ici, vous venez pour passez un peu de bon temps, rien d’autre, les soucis vous les laissez dehors », clame Patou, le taulier du lieu. Patronyme de chien de berger, le gazier mène son troupeau avec une gentillesse rare, un œil précis. Accolades, accueil, apéro. Tout est au cordeau. Ce lieu, tout frais de rénovation, pose sur les plateaux du Doubs, une alternative actuelle aux baloches d’avant, aux bals montés, aux nightclubs de campagnes. Programmation généreuse et deux centaines de spectateurs en pleine mixité d’âges, de genre et de revenus. Pas mal. La jauge affiche complet.

Premier à prendre la scène, le trio [Na] dont on a parlé pas mal, ici. Comme à Saint-Claude la veille, à la Maison du Peuple. Les trois oumpa-punks font un boucan génial et dansant. La fosse, se peuple peu à peu, les gosiers s’ouvrent et pas mal de cris goulus saluent l’Éthiopie et les solos corsés de chacun des trois alsaco-bourguignons. We are the world.
Deuxième salve. Après le punk, la funk. Bam, l’ORTF vole en éclats. Explosé le Te Deum des films du dimanche soir, L’échappatoire choppe des vibes pleines de sébum, parfumées au rhum. Get down ou get up, fuck l’industrie, funkindustry à sa propre mécanique. Huilée comme le torse de Mister universe, séductrice comme des génériques TV liftés par Ardisson, carrée quand il s’agit de tirer vers l’ambiance lover Soul : Curtis, Sam Cooke ou Jamiroquai pour les plus indiens où les plus cornus du parterre. Maceo par cœur je connais par cœur. Du plaisir, comme s’il en pleuvait d’une fontaine. « Let me be the one », chante Nathan Clavier. 200 personnes se rapprochent. « I wanna You get closer » et 200 bassins flanchent, près de la source. Chaud, tout doux. On ne saura toujours pas pourquoi la funk se danse, en France, coudes repliés et genoux fléchis mais on pigera vite que l’anglais colle parfaitement aux lights fuschia et à la trompette bouchée. La nostalgie camarade. Le besoin d’amour, en prime. Les solos saxés balancent du Michael Franks chez les nippons de la City Pop. Ça « cruise », ça communie, ça répand de l’amour et du soft power, à qui voudra. Sous les marguerites glossy de la veste de son chanteur, Funkindustry va cueillir tranquille son petit monde ensmilé.

L’ambiance est douce, la salle est chaude. Madame Skedja est au changement de plateau. Ross Butcher playback au trombone sur James Brown qui sature la sono, le reste de la tribu fait son petit métier. Câblasse, raccords, chauffe de cuivres.
Patou remonte en scène : « voici la petite baffe, la chaleur qui fait du bien ». Dont acte. Skedja, c’est clair-obscur, textes engagés et personnels. C’est cuivré, aussi. Reggae par la face ambient, festive et westerns, planeurs et cowboys traversent la jungle genevoise. Steady, au moins autant que la basse insondable de Luka Kurelic. Au micro, c’est voix façon mano solo. Pas trop solo et pas super piano mais très sano, coco. Balkanic vibe, Ska, dub et les autres connexions en branchement direct pour aller rider l’autoroute ouverte il y a quelques années par FFF ou Tarace Boulba, en passant par le blues santanesque et l’oriental militant. Melting-pot, carrément, sans jamais lâcher la main de la salle, Madame Skedja va tracer ses courbes sur ses terrains, à grand cœur ouvert. Alors ça déborde vraiment du cadre, ça descend jouer ska dans la salle et ça retourne les têtes et L’Echappatoire pour le reste de la soirée. Steady, baby.


Guillaume Malvoisin
photo Funkindustry © Bernadette Nguyen

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