dracula

Espace éclaté, fable éparse sur le plateau du Cèdre. Tout s’agrège doucement, musicien en catimini, voix off qui entre sans prévenir ni s’essuyer les pieds.
Marrant, de voir ce Dracula, un soir où, chez nous aussi, la « lune est trop ronde ». Tout s’agrège au plateau comme une petite fête, une petite cavalcade musicale de village. Mina chante. Mina marche et se trouve face au Conte. Et à la table du Comte. La musique, également, servie par les valets animaux. Elle complète, commente, fait monter le sang-paillette, les confidences et les regrets, les frissons suraigus. Le son plus que l’image. Au-delà du visible (trop éclairé, trop simplement mis sur scène), Dracula version ONJ va génialement chercher le son et le free son. Ciel beau parleur, instruments en liberté, musique traçant l’espace de narration (jamais meilleur quand il utilise les rasants pour éclairer la fable). Il ya des réfs en pagaille chez Frédéric Maurin, boss actuel de l’Orchestre et compositeur avec Grégoire Letouvet. La partition-mixture, à fort potentiel de globules et d’effets, glisse parfaitement. Free jazz, rock 70, java rouge, et descentes de cuivres pesantes bousculent comme il faut la parole idéale des narratrices-comédiennes. Un peu en-dessous du très beau livre-disque, cette version live mais c’est bon, plutôt bon même. Ça combine l’aise le naïf et le complexe. À cela s’ajoute l’humain qui grimace et raconte : cris, soupirs et voix mises hors des corps grâce aux micros. Le son fait sensation et c’est bon. Ce Dracula est goûtu, sanguin, drôle et croqueur d’oreilles. Dracul’ est maudit du Ciel, frappé d’amour impossible, il a la dent dure. Mina se mue en Alice au pays des vermeils. Bloody hell, c’est enlevé : music-hall, cabaret noir, comédie tragique à la Belle et la Bête, Disney Songs en embuscade, c’est malin. Plus qu’un drame musical de poche cette opéra est une réduction, au sens culinaire du mot. Et, petite joie savoureuse et puissante, qui n’a rien oublié de ses sucs. Ce Dracula a le cou blanc et la langue bien pendue.

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Guillaume Malvoisin
visuel © element-S pour ONJ
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