Chlorine Free, groove sans additif

Chlorine Free sort Minirose, son 4ème album. Belle occaz pour papoter. On a pu le faire avec Virgile Lorach et Romain Clerc-Renaud. C’était amusant et très intéressant. La preuve est juste en-dessous.

par | 14 Oct 2021 | interviews

Chlorine Free

Chlorine, Free Colors © Nash K

Chlorine Free, du jazz funk nature ?

Virgile Lorach : Exactement. C’est du jazz funk, un peu engagé, un peu naturel. Un peu artisanal.

On vous cale où, nous ? Jazz funk ? Electro-funk ? Jazz rap ? Fusion ? On s’en fout des étiquettes ?

VL : On a toujours un peu le cul entre deux chaises avec Chlorine Free. On joue dans les festivals de jazz ou de musique actuelle. Parfois on fait du hip hop. J’aime pas mal le rap, donc il y a pas mal de rappeurs qui jouent avec nous. Mais là, cet album, il est plus jazz parce qu’il est instrumental.

Romain Clerc-Renaud : Pour les structures, les salles et les radios, c’est toujours difficile de savoir dans quelle case nous mettre. Mais c’est ça qu’on kiffe, que ce soit éclectique. Chercher des influences à droite à gauche, explorer des zones différentes avec une identité propre au groupe. On a quand même notre son, notre façon de faire et notre personnalité artistique.

«Je pense qu’à la base on est des gros kiffeurs de jazz funk, voire de jazz instrumental. C’est quelque chose qui nous a rassemblé. Je pense aux Headhunters, à Herbie, la période électrique de Miles.»

Romain Clerc-Renaud

Tu l’as dit, Virgile, Minirose est 100% instrumental contrairement à Free Speech. D’où c’est venu ce retour à un album purement musical ?

VL : L’année dernière, on a sorti un disque Hip Hop Boutique où on a compilé tous les morceaux hip-hop des 3 albums précédents plus le EP. Mais là, je me suis dit que ce serait bien qu’on fasse un truc 100% instrumental parce qu’on avait fait un truc 100% hip-hop avant. C’est vrai aussi que plus ça va, plus j’aime assumer ce côté-là, assumer notre musique.

RCR : Je pense qu’à la base on est des gros kiffeurs de jazz funk, voire de jazz instrumental. C’est quelque chose qui nous a rassemblé. Je pense aux Headhunters, à Herbie, la période électrique de Miles. Il y a cette veine dans Chlorine Free, on est tous portés sur le groove instrumental, le hip hop et l’électro. On a aussi des envies d’écriture pour instruments. Pour reprendre le communiqué de presse, ce disque est un peu « sans artifices ». Le but c’est de se retrouver avec une basse, une batterie, des claviers, des soufflants et de chercher à faire sonner notre groupe sans texte.

VL : Sans complexe, c’est plus assumé. Au bout de 10 ans, on assume cette musique.

RCR : Après, je tiens à dire que c’est une histoire de cycle. On va pas forcément se tourner vers la musique instrumentale. Je pense que la voix reviendra, qu’on va peut-être se tourner vers d’autres feat, vers d’autres choses.

« Je préfère que ce soit un peu plus terrien, un peu plus posé. Je ne viens pas du jazz contrairement aux autres Chlorine. Mes influences viennent plus de l’électro comme Cinematic Orchestra et des fois les autres membres de Chlorine faut les retenir un peu. C’est génial mais ça peut vite partir fort. »

Virgile Lorach

C’est vraiment un disque qui prend le temps de se faire découvrir. Ça vous va si on parle de disque dambiances, au pluriel ?

VL : : Pour le 4ème album, je voulais vraiment quelque chose de plus plus léger et s’il y a déjà ça, je suis content. Jai toujours peur que ce soit un peu trop chargé et que ce soit une musique à écouter attentivement. Pour moi si on peut l’écouter en fond, cest un compliment.  Après cest vrai que Minicocotte il part très fort et c’est totalement volontaire de mettre un premier morceau un peu patate, javais hyper envie de ça. Si on arrive à l’écouter, avec des ambiances, des couleurs et en fond sonore, pour moi cest très bien.

RCR : Minirose est complexe à se définir. Rassembler les 12 pièces en 1 seul mot, c’est vraiment dur. Les 12 pièces ont un caractère différent. C’est assez varié sur les textures, les tempos et les sons. Cest vraiment 12 ambiances différentes et cest un peu notre force. Je t’attendrai est plus un son électro, assez rapide en hommage à Squarepusher que Virgile adore. Alexander Slavinov est un truc est un peu plus groove, à la Truffaz, avec un thème posé. Il y a plein de choses quon aime et je pense que cest vachement bien réussi.  

VL : Je sais que je préfère que ce soit un peu plus terrien, un peu plus posé. Je ne viens pas du jazz contrairement aux autres Chlorine. Mes influences viennent plus de l’électro comme Cinematic Orchestra et des fois les autres membres de Chlorine faut les retenir un peu. C’est génial mais ça peut vite partir fort. J’essaie toujours de rendre le truc plus simple.

RCR : Tu fais bien, justement. C’est ça notre force. Il y a ce truc terrien qui crée un bon équilibre entre les volontés d’enrichir de droite à gauche. C’est un groupe, qui, en toute modestie, s’enrichit tout le temps mais ne perd jamais son identité. Virgile centralise toutes ces idées et il ramène tout à l’essence de Chlorine.

— Minirose, sortie le 15 octobre 2021.

— Gang Up (ARTEConcert, Jazz sue Seine, 2018) © Nash K

Et c’est quoi, justement, l’essence de Chlorine Free ?

VL : C’est plutôt simple, ça tient en deux mots : le groove et le son. J’adore les textures sonores. Je peux tripper sur un son de batterie, de Rhodes, de clavier, de vieux synthé ou de caisse claire. Un joli son qui me donne envie de créer quelque chose. Mais je ne vais jamais partir d’un bout de papier avec une grille d’accord. Au fur et à mesure, j’enrichis ce dont j’ai envie avec un groove de base.

RCR : Pour envoyer des fleurs à Virgile, pour moi l’essence et la force de Chlorine Free, c’est qu’il est multi-instrumentiste et autodidacte. C’est lui qui joue les basses, les batteries, les guitares et même pas mal de synthés. C’est lui qui fait la prod, avec son groove à lui qui est unique. Il est ingénieur du son de profession et il a sa façon de recorder une batterie, une basse.

Virgile, tu as a lair d’être le pilier du groupe, comment ça bosse entre vous ?

RCR : Il y a un truc hyper fort avec Virgile. Il tient tout le fondement du projet et de son esthétique. Après, on essaie de bosser pour se renouveler et faire avancer les choses. Virgile est ouvert à toutes les propositions des autres, il leur laisse de la place. Depuis Free Speech et encore plus sur Minirose, on a vachement travaillé à deux. Il me laisse amener des morceaux, des arrangements.

VL : Heureusement que j’ai tous ces gens-là autour de moi. David et Yann aussi. Ils me sortent pas mal de ma routine. Je suis un peu mono-maniaque, je sortirais tout le temps la même chose, les mêmes grooves. Donc, je m’ouvre. Pour évoluer, pour apprendre et faire évoluer Chlorine Free.

Comment vous bossez tous les deux avant que le reste du groupe viennent pimper les morceaux ?

RCR : En gros,Virgile bosse plus la rythmique, le son. Souvent, je viens poser des ambient, des textures. Il y a un truc à dire aussi sur cet album, c’est qu’il a été créé pendant le Covid et en fait on se faisait des sessions dans cette ambiance glauque. On a pris le temps de se retrouver et de sculpter chaque instru, chaque thème. On l’a vraiment conçu aux petits oignons et un peu seuls dans notre coin parce qu’on pouvait pas faire grand chose collectivement. Du coup, les compos ont pris le temps. Je sais pas si ça se ressent mais, dans les ambiances, il y a un côté un peu plus dark et un peu moins funky que pour les autres albums.

On parle du ‘mini’ du titre. C’est dans le sens de ‘miniature’ ou dune ‘promesse qui va fleurir sa race’ ?

VL : Je trouve, qu’aujourd’hui, on fait trop les trucs en grand et je voulais retourner un peu plus dans du mini, du petit. C’est pour ça que j’ai choisi le ‘mini’. Je trouvais ça mignon, aussi.


propos recueillis par Ellinor Bogdanovic et Guillaume Malvoisin, octobre 2021

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