CHICAGO [DISTRICT], #2

Hypnotic Bass Ensemble, vendredi 27 janvier
& Damon Locks Black Monument Ensemble, samedi 28 janvier
Dijon, Grand Théâtre, Zutique productions x Opéra de Dijon.

par | 7 Fév 2023 | concerts, articles

Chicago [District]

Damon Locks
Black Monument Ensemble

PointBreak Radiomix spécial Chicago [District] en replay ici
avec Radio Dijon Campus, invité Frédéric Ménard, Zutique Productions

Âpre, rude et frontal. Lourde fondation mais volutes légères pour ce Monument volatile et puissant. Conscient mais ludique. Monument élevé par Damon Locks pour supplanter les poings levés, pour contrer ceux qui s’abattent sur les visages aléatoires dont celui de Tyre Nichols, récemment. Ingénieux en électro, facteur de samples et gardeur de mémoire vivante, Damon Locks laisse surgir la miniature plus que l’in-extenso. C’est très court, tout ce qui s’enchaine et se déchaine sous ses doigts, aux loopers et aux platines, qui trouve écho dans ce que fabrique live le combo réuni au pied du Monument. La rythmique vient approndir la pensée en action du leader. Angel Bat David commente, disserte et complète. Dans les structures d’une ville qui a posé son tampon sur cette musique menée par un archéo-preacher. À Chicago on en part, on y arrive et on y lutte aussi. Beaucoup. Au sein de l’AACM (Association for the Advancement of Creative Musicians), dans les rues ou encore sur la scène des friches et des clubs. Ces luttes ont leurs voix. Celle des combats, Angela Davis par exemple, samplées, réagencées sous les doigts précis de Locks. Les voix prises aux gosiers ouverts des trois chanteuses gospelisant et polyphonisant à volonté. Dans ces entrelacs, il y a donc l’histoire et l’actualité qui se jouent. Il y a l’afro-percussion, la tradition ludique du Speak, Brother, speak. Il y a la clarinette klezmero-Storyville, l’électronique rugueuse et la Soul Gospel. Tout cela offert à la salle pou la sacro-sainte confrontation de ces satanées 2 assemblées qui se font face. Pour avancer. Vers quoi ? Vers une entente commune, une consolation peut-être, un réconfort possible.


Guillaume Malvoisin

© DR / opéra de Dijon
© DR / opéra de Dijon

Black Monument Ensemble

© DR / opéra de Dijon

Hypnotic Brass Ensemble

photos : wall°ich © ADAGP

Hypnotic Brass Ensemble

D’entrée de jeu, les mecs te montrent direct. C’est ça l’Amérique, bordel. Ces mecs ont la classe, de l’assurance, et plus tard, feront le show. Armés de leurs instruments et avec le smile. Ils sont 10 sur scène, dotés d’un flow qui a fait leur légende, et autant de personnes qui en mettent plein la vue. Ça commence à jouer. Qualité groove. Dans la salle, le son se propage, les yeux s’écarquillent, les corps bougent. Très vite. Hypnotic Bass Ensemble, c’est d’abord et visiblement une team. En vrai, c’est surtout 5 vrai frangins, tous fils d’une autre légende de la trompette free, Phil Cohran. Saxophoniste, tromboniste et trois trompettistes, normal vu le papa. Les 5 sont épaulés par une rythmique taillée sur mesure. Rien que ça. Tous en place, chacun master de leur discipline. Rock un peu, hip-hop souvent, punk même parfois, oui, mais très proche du jazz, tout le temps. Plus tard, une chanteuse arrive sur scène vêtue d’une traine satinée rouge, blanc encore plus tard. Sa voix est comme la salle qui l’accueille : puissante. Maintenant, le public du Grand Théâtre se lève, danse, applaudit. Encore et encore. Les balcons tremblent, immergés dans l’ambiance d’un club qui aurait pu être situé à l’autre bout du monde, sur un autre continent. On voudrait que ça dure encore, mais c’est déjà la fin. 1h30 de show, 1h30 de Chicago.


Florentine Colliat

Dans ce live, ce sont ces bandes-sons des films des années soixante-dix, avec les moustaches et les caisses de Funky Cops qu’on entend. Avec, peut-être, un soupçon plus libertaire. Ça, ça tient en deux mots, douze lettres : Philip Cohran, papa au sens propre et figuré du bébé Hypnotic. Brass ensemble de Chicago. Saiph Graves, tromboniste de son état, nous parlait, plus tôt en interview, du style des vents de Chicago… Du théorique, on passe au cas pratique. Le son plus libre, la fanfare qui ne se joue pas sur les stomps à la Nouvelle-Orléanaise, non. Ici, les vents ne chaloupent pas. Leurs sons emportent tout sur leur passage, ces sons qui t’en foutent plein la tronche. Pas le répit du bayou, mais la ville des vents, AACM MOTHER, qui t’enveloppe. La voiture de notre film a sans doute son volant en moumoute et son dé en peluche qui pend au rétro intérieur, mais elle vient de faire deux tonneaux et elle reprend sa course aussi sec. L’Hypnotic Brass Ensemble est arrivé en formation augmentée : les fistons et consorts en première ligne, le basse-batt qui ronfle, lachanteuse mi-gospel mi R’n’B devant, un soulman percussionniste à la chemise si désirable derrière. Chicago te brasse, bébé.


Lucas Le texier

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