Cedric Burnside
Dijon, La Vapeur, jeudi 7 novembre 2019.
Musique de niche, le Blues ? Bah, c’est suffisamment sale sur les bords pour aller chercher chacun sur le terrain du plaisir. À voir la config’ de la salle présente au concert, MILFs de juke joint, chosen ones, happy few, teddy boys en formation, quinqua capés et jeunes gays impeccablement méchés, elle est plutôt classe, la niche.
Ici la niche, c’est le Club de La Vapeur. Royal écrin pour recevoir le folk blues sous tension de Thomas Stoeffler Jr. Junior s’ébroue dans un One man Bande à part, clappé au pied, grelotté avec l’autre. Parfaitement communicatif, singulièrement transmissible. Le gazier a dû user le Divx de O Brother. Dansant sur deux pieds, plaçant sur la même étagère french vibrato et harangue foraine, amour indéfectible du répertoire et autoparodie hypersensible, Stoeffler Jr joue. Et touche tout le monde. Voir sa reprise déférente du Alone and Forsaken de Hank Williams. Pour le reste, ça sonne clair, aussi. Malgré le menu, plein de noirceurs épaisses : histoires d’amour mal finies, nasillement country, choucroute incongrue, prisonnier shooté en cavale et cowboys tombés de leurs selles. Un bordel magique, quoi. De quoi génialement agiter les bar’mitzvah de saloon et autres quadrilles dégingandés.
Chez les Burnside, on a plutôt tendance à jouer à l’économie pour prendre plaisir à suer, à enfermer Chet Atkins au pensionnat de jeunes filles pour sortir avec les bad boys. Le Hill Contry Blues, c’est une histoire de famille, de résistance. Résistance à l’ennui, aux sales coups de la vie, aux enfances à-la-dure, aux femmes toujours un peu changeantes. Le Hill Contry Blues ? Tu es à Dijon ? Bien. Imagine que tu es dans un tram bouclé sur un anneau entre Darcy et République. C’est fade. Oui. Mais imagine maintenant que des petits malins changent de place, et comme ils veulent, les façades, les arbres, et ajoutent deux ou trois Renault Fuego, pour rire, au fil du trajet. Tu y es, ça devient fun. Côté musique, le HCB, c’est pendulaire, répétitif à l’extrême. Ça a été remis en avant scène par des groupes comme The White Stripes, The Black Keys et, un peu avant eux, par Jon Spencer et son Blues Explosion. Sinon, encore avant, ça vient d’Afrique, c’est passé par les champs de coton US, ça se joue martelé, le sourire en coin. Ça appartient au voodoo, à la Black Culture et ça vient te chercher directement à la viscère. Surtout celui que pratique Cedric Burnside. Par petites touches, par envolées de gosier. Téméraires, évident, donc imparable. Sa version live de Hard To Stay Cool va dans ce sens. Sa relecture de Feel Like Goin’ Home, idem. Chant et doigté à l’unisson. L’énergie terrible à l’acoustique devient redoutable avec l’électricité. Ceci renforcé par un drumming d’airain léger en backing, inoxydable. Deux bonshommes, une seule précision de frappe. Formule magique, formule secrète. Deux mots de refrain, un accord, un beat assaillant. Rien de plus, ça prend. Plus dissert que Big Daddy Burnside, certes. Mais marqué par la puissance d’attaque familiale, par le même jeu d’appui sur le temps. Puissance maîtrise, petit pont et lucarne. 2-0 pour le blues.
English spoken, here.
At the Burnsides, we tend to play raw things to enjoy sweating. We tend to lock Chet Atkins up at the girls’ boarding school to fool about with the bad boys. Hill Contry Blues is about family and resistance. Resistance to boredom, to the dirty tricks of life, to childhoods hard times, to women whe’ve to know while they dancing’ around with permanent changes. The Hill Contry Blues? That’s a pendular thing. Overstrechted in repetition. And thus damn good. It’s been brought back to the forefront by bands like The Black Keys and a little before them by Jon Spencer and his Blues Explosion. Otherwise, even before, it comes from Africa, it went through the US cotton fields, it is played hammered, with a smile on its face. It belongs to the voodoo, to the Black Culture and it comes to get you directly from the viscera. Especially the one Cedric Burnside does. By little touches, by gullet flights. Bold, obvious, therefore unstoppable. His live version of Hard To Stay Cool goes in this direction. His rereading of Feel Like goin’ Home, idem. Singing and fingering in unison. The terrible energy with its acoustics becomes formidable with electricity. This is reinforced by a heavy light drumming in backing, stainless steel. Two guys, one hit accuracy. Magic formula, secret formula. Two words of chorus, one chord, one beat attacking. Nothing more. More talkative than Big Daddy Burnside, certainly. But marked by the power of family’s attack, by the same game of timing support. Power mastery, gettin’ past and overhead kickin’. 2-0 for the blues.
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Guillaume Malvoisin
photo © Anne-Sophie Cambeur – le studio des songes
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+ de contenu : Interview de Cedric Burnside (PointBreak w/ Sparse)
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