Andreas : culture DJ, diversité et grosse teuf

C’est quoi un DJ sans platine ? C’est quoi un DJ derrière ses galettes ? On a demandé à Andreas, DJ du gang RISK de nous éclairer sur ces questions existentielles. On a aussi tenté de parler de jazz. Du coup, on a causé jeux vidéos. C’est à lire ici avant de pouvoir écouter la playlist de vendredi prochain.

par | 9 Juin 2020 | interviews

Andreas, DJ

Andreas © Le Studio des Songes

Aujourd’hui, c’est quoi le son Andreas ?

Ça varie en fonction des saisons. (rires). L’humeur générale définit la musique que je vais avoir envie de jouer et je ne cache pas que je commence seulement à me dire après 10 ans que j’ai enfin trouvé mon univers. Disons que c’est une vague bien House teintée d’une touche ghetto, acide et un peu rave dernièrement.

Comment tu l’as vécu, toi, ce confinement loin des platines et du public ?

C’était surtout loin du public car on était censé organiser notre festival Le Sirk avec le gang (plus d’infos et de renseignements sur le report du festival et les autres activités du crew Risk sur leur site web, ndlr). Depuis 5 ans, avril est devenu le mois le plus festif de l’année et accessoirement celui où je suis le moins chez moi. Donc, ça a fait un peu tout drôle de devoir rester chez soi à seulement imaginer comment ça aurait pu se passer. Pour ce qui est des platines, elles sont dans mon salon donc pas trop loin. Elles ont tourné plus souvent que d’habitude.

Un des tracks que tu auras découvert pendant ce lockdown ?

Dur de choisir mais je dirais White Darkness de Sandoz. Le genre de morceau que j’aime beaucoup car il est très évolutif, on pourrait même le découper en trois parties. Il commence par une ambiance très dub, quelques notes de piano très aériennes accompagnées d’une nappe un peu acidulée. Puis c’est une rythmique en contretemps classique dub et d’une basse… Mon dieu ! Deuxième partie plus tribale, on enlève toute le coté mélodique pour le remplacer part un roulement de percussions et une rythmique plus régulière. La voix finit par revenir avant de basculer sur la troisième et dernière partie qui part en petite House/Minimal d’after. En bref, c’est un morceau qui maintient une certaine tension tout au long avec la cerise sur le gâteau pour finir. Sinon en regardant de nombreuses vidéos de fêtes diverses, je suis tombé sur un cours extrait d’un des sets de Ricardo Villalobos avec une qualité sonore horrible où l’on pouvait entendre ce groove unique dont il a le secret. Le tout accompagné par les paroles de ce chant militant qu’est El Violador Eres Tú. C’est un extrait de 30 secondes mais aucun doute sur le fait que ce soit un edit de sa part. Je trouve ça presque un peu cliché de le ramener ici, surtout que son impact n’est plus aussi important pour moi, mais quel génie…

Andreas

© Louise Vayssié

Le son Andreas à un instant T (2019)

— White Darkness de Sandoz (2004)

Andreas aux platines

Andreas, digger nécessaire ?

OUI ! (rires) Déjà parce que l’être humain à besoin de stimulations et de nouveautés pour s’épanouir, et aussi parce que j’ai toujours besoin de mixer de nouvelles choses ou de retrouver cet état d’hystérie et de frustration que j’ai vite fait évoqué dans la question précédente.
Ensuite, il y a digger pour découvrir de nouvelles choses et digger pour trouver une relique. Ce n’est pas vraiment la même approche ni la même satisfaction. Dans une phase de découverte, t’as besoin d’être plus ouvert car tu vas probablement écouter plus d’une centaine de morceaux et qu’il faut quand même rester objectif tout le long. Tu fais donc une présélection que tu ré-écoutes le lendemain et là, souvent tu rigoles et finis par garder qu’une poignée de morceau voire même aucun. Pour ce qui est des reliques, c’est une quête qui peut s’étaler sur des années et là, il faut juste s’armer de patience mais la satisfaction finale en vaut clairement la peine.

Un ou deux morceaux diggés que tu ne te lasses toujours pas d’écouter ?

Best Friend de Voom Voom. Découvert il n’y a pas très longtemps. Aucun risque que je m’en lasse. C’est ce genre de morceau universel que personne ne peut détester. Pas vraiment ce que je peux avoir l’habitude de mixer mais c’est aussi ce qui est intéressant. Il y a aussi L9 House (Muse Mix) de Chakaharta. Beaucoup plus dans ma vibe. Ce morceau a fait l’objet d’une de ces longues recherches. Pas vraiment envie d’en dire plus, je préfère laisser la musique parler d’elle même.

« Si les disques sont les instruments et que le mix n’est qu’un seul et unique morceau alors oui le DJ est musicien.»

Ta dernière claque musicale, c’était quand et quoi ?

Sur internet, il y a Truly Madly, un DJ anglais qui m’a un peu baffé. Que ce soit par sa technique, sa diversité musicale et son univers, le mec est hyper balèze. Sinon en live, je dirais le crew Slow Life que j’ai pu voir à Berlin l’été dernier, très bonne vibe musicale, et surtout ce concert de S. Moreira & Band en fin de journée sur la terrasse de l’Hoppetosse.

On parle des tes stories Insta ? Y’a pas mal de nature mortes 2.0,  courant Abstract là-aussi ?

Je n’avais jamais fait le rapprochement mais c’est vrai que la présence humaine se fait rare aussi bien dans la musique (dans le sens où les voix se font rares) que j’aime que dans mes publications insta. Je ne suis pas trop du genre à m’afficher sur les réseaux et je préfère proposer autre chose que ma tête sous 50 angles différents. Je pense aussi que le fait que je me déplace majoritairement à pied me permets de lever les yeux et de voir d’avantage de choses.

Je me souviens d’un de tes mix fait pour Radio Dijon Campus de musiques tirés de jeux vidéo, je me souviens aussi d’une conversation à propos de Cuphead en marge d’émissions faites ensemble. Quelle importance cette culture de gamer dans ta musique ?

Ah oui, c’était le Themamix consacré au radio GTA ! Bah, j’ai grandi avec la Super Nintendo et la Gameboy donc peut être que ça a pu avoir un impact. Les bandes son de jeu étaient souvent des boucles très courtes à cette époque. Ça m’a peut être habitué à la structure répétitive qu’on peut retrouver dans la musique électronique. Un exemple avec ce morceau tiré de Mario 64 que je trouve toujours aussi cool. Mais pour moi, la musique contribue à l’atmosphère du jeu tout comme elle le fait pour le cinéma. Tu peux tout aussi bien kiffer les compos d’Hans Zimmer et la bande son du dernier Zelda car le principe reste le même. C’est de l’habillage. Ça me fait directement repenser à la bande son évolutive de Red Dead Redemption 1 qui contribue énormément au côté immersif du jeu. Mais faut pas croire, la musique de jeux vidéo est énormément samplée dans tous les styles de musiques.

— Interstellar, musique de Hans Zimmer (2014)

Red Dead Redemption
GTA V

Je me souviens aussi de conversations autour de jazzmen comme Nils Petter Molvaer. C’est une de tes références aussi ? Juste pour l’écoute ou c’est un des trucs que tu as pu jouer en mix ?

Ça l’est devenu après la découverte de son album en coproduction avec Moritz Von Oswlad nommé 1/1. L’album m’a tout de suite touché et je me souviens encore qu’on le ponçait souvent avec des potes lors de soirées posées. Après quoi, je suis allé voir quelques live sur youtube et j’ai toujours autant aimé. Surtout celui-ci pour le cadre et le reste.

C’est quoi ton lien au jazz ?

Je crois qu’il n’y en a pas, j’ai jamais vraiment approfondi la chose et c’est surtout un truc qui m’est venu tout seul, j’ai dû en entendre et ça m’a accroché. Après, c’est souvent des références qu’on m’a suggérées ou qui sont issues de musique de films. Je me souviens que j’avais beaucoup aimé la bande son du Talentueux Mr Ripley par exemple. Je pense que le vrai déclic est arrivé avec St-Germain et l’album Tourist qui mélange jazz et musique électronique.

Ce serait quoi ta définition du Jazz ?

Une musique de curieux et un poil élitiste. Le jazz c’est souvent ça passe ou ça casse !

Je parlais d’émissions faites ensemble. Tu étais alors réalisateur pour Radio Dijon Campus. Comment ça s’est influencé mutuellement, ton métier de réal/technicien et celui de DJ ?

Pour le métier de real/technicien, le coté DJ m’avait apporté le sens du rythme et l’oreille afin de réaliser et de monter des émissions fluides à l’écoute. En revanche, ce même métier a apporté bien plus de compétences pour le DJ. J’ai pu apprendre à me servir de logiciels de traitements de son et je suis en mesure aujourd’hui de faire mes propres édits. C’est à dire virer les voix en trop ou changer la structure d’un morceau pour le rendre plus mixable.

Tourist de St Germain

— Transition par Nils Petter Molvaer et Moritz von Oswald (2013)

The Talented Mr. Ripley Anthony Mingella (1999)

— Rose Rouge par St Germain (2000)

Pour toi, être DJ c’est être musicien ?

À partir du moment où on considère un groupe de reprise comme des musiciens alors il n’y a pas de raison qu’un DJ n’en soit pas un. Je dois quand même admettre que j’ai du mal à me considérer en tant que musicien alors que si tu compares, tu pratiques le même procédé de construction qu’un compositeur. Si les disques sont les instruments et que le mix n’est qu’un seul et unique morceau alors oui le DJ est musicien.

Tu mixes en festival et en bar, par exemple au Bam Jam. C’est quoi la différence majeure entre ces deux sets ?

C’est le lieu qui décide de la tournure d’un set. Je ne peux pas me permettre de faire tout le temps la même chose étant donné que c’est pas le même type de public. Les gens viennent d’abord boire un coup au Bam avant de venir écouter de la musique, tu peux pas te permettre d’envoyer les ovnis même si tu considères que le morceau est ouf. Donc là-bas, je me permets des trucs un peu plus généralistes voir même un peu second degré en balançant quelques morceaux eurodance que tout le monde va connaître. C’est après les avoir accroché que je peux me permettre de glisser vers quelque chose qui me ressemble un peu plus. En revanche, en festival ou en club, les gens viennent d’abord écouter du son. Tu as affaire à un public un peu plus averti et qui va aimer ces ovnis justement. Je pense que l’une des grandes force d’un DJ c’est de savoir s’adapter.

Selon toi, la sélection d’un DJ, c’est la clef de son set ?

Oui et non. Je connais des mecs qui mixent bof mais qui peuvent avoir une sélection de porc. Si la cohérence est là, j’ai envie de dire qu’on peut fermer les yeux sur quelques petites erreurs pas flagrantes. À contrario, je connais des mecs dont la technique est ultra propre mais qui ne mettent aucune âme dans leur set. Un vrai bon set, c’est quand toutes les planètes s’alignent car il ne s’agit pas que de toi ou de ta sélection mais de la teuf en générale. L’ambiance générale, le public, le son, les ligths, tout quoi. Tu peux donner le même bac de disques à 3 DJs différents, tu auras forcément 3 set différents.

La scène sur laquelle tu adorerais mixer ?

L’Hoppetosse que j’ai évoqué plus haut. C’est une péniche à Berlin où tu peux toucher le plafond en tendant un peu les bras. Tout est boisé, ça apporte une acoustique particulière. Le moment où les premiers rayons du soleil viennent inonder la cale à travers les volet au petit matin est assez priceless. L’énergie s’y développe assez facilement et en fonction de la position des gens sur le bateau, l’inclinaison change tout au long de la soirée.

Demain, ce sera quoi le son Andreas ?

Absolument aucune idée. (rires) Seul l’avenir le dira !


propos recueillis par Guillaume Malvoisin et Marine Gay

Andreas, DJ

© Le Studio Des Songes

D’autres interviews pourraient également vous intéresser.
C’est par ici.

Share This