DakhaBrakha
Au cœur de l’actu, l’Ukraine ? Oui, évidemment, et au cœur de l’actu musicale aussi, à Dijon. Rencontre avec Marko Halanevych, sorcier folk et militant enragé.
On a pu voir à Dijon, l’an passé, Dakh Daughters, un autre groupe ukrainien. Est-ce que l’invasion russe en Ukraine a pu changer le regard porté des groupes comme le vôtre ?
Il y a beaucoup de soutien depuis la guerre et un regain d’intérêt pour notre culture. Certains artistes ukrainiens utilisent aussi leur notoriété pour attirer l’attention du monde, mais aussi récolter de l’argent pour aider les nôtres. La mission de DakhaBrakha, c’est aussi cela : arrêter Poutine, sur et grâce à la scène.
Dans DakhaBrakha, il y a de la musique mais aussi d’importantes projections d’images. Ça vous classe entre le concert et la performance, non ?
Même s’il y un travail sur les visuels avec Vladyslav Troitskyi, le directeur du centre d’art contemporain où nous avons créé le groupe, et que nos spectacles se rapprochent parfois, par leurs codes, de la performance théâtrale, DakhaBrakha est avant tout de la musique.
De quoi le groupe s’est-il inspiré ?
Nous passions beaucoup de temps à écouter les musiques du monde entier. Iryna, Olena et Nina se sont toujours très intéressées au folklore. Vladyslav nous a ouvert à d’autres influences comme le minimalisme de Philip Glass ou de Michael Nyman, ou d’autres traditions musicales étrangères.
On entend effectivement, d’autres folklores et d’autres instruments traditionnels venus d’autres pays.
Au début, on a surtout joué avec l’accordéon, les tablas indiens, le didgeridoo d’Australie, le djembé africain et le doumbek qu’on trouve dans les Balkans et au Moyen-Orient. Aujourd’hui, on se permet d’utiliser aussi des instruments classiques comme le violoncelle. Après, on se déplace beaucoup dans le monde, et les instruments sont fragiles et sensibles aux changements de températures. Il nous faut donc des instruments pratiques.
Il y a un grand travail d’ethnologue et de chercheur, de votre part, pour aller récolter et enregistrer les musiques du folklore ukrainien.
Je ne suis pas ethnologue mais j’ai eu la chance d’avoir une grand-mère chanteuse et j’ai pu l’enregistrer. Mes collègues musiciennes ont, en effet, effectué une collecte. Elles choisissaient un point sur la carte, généralement éloignée de la grande ville. Elles débarquaient à la mairie et demandaient à rencontrer quelqu’un qui chante (il rit)… Elles ont beaucoup appris et, surtout, elles ont pu découvrir les différences subtiles dans la façon de chanter, les différentes tonalités des régions du pays.
Comment intégrez-vous ces recherches à votre musique ?
Je pense que DakhaBrakha a provoqué une révolution dans la manière d’utiliser cet héritage. À la base, les gens qui partaient récolter ces folklores considéraient ces enregistrements comme quelque chose de sacré. Nous voulons au contraire les jouer, les faire vivre et les ouvrir au monde moderne. Aujourd’hui, il y a un enthousiasme général de la part de la jeunesse dans la réutilisation des chansons ou des instruments folkloriques.
Sur les portraits du groupe, on voit que les trois musiciennes tiennent des poissons tandis que toi, Marko, tu portes un pain. Est-ce qu’il y a une symbolique particulière ?
En réalité, nous avons fait un shooting puis à la fin, la photographe a eu l’idée de faire d’autres clichés avec des poissons achetés pour son anniversaire. Depuis, les gens sont très inspirés pour y trouver une symbolique ! (il rit)… Comme quoi, les plus belles choses viennent toujours du hasard.
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propos recueillis par Camille Fol et Lucas Le Texier, septembre 2023
en marge du Tribu Festival / photo © Edouard Barra
trad. : Zaitseva Natalia et Tetiana Yablonska
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