jour 6
Tribu festival, La Vapeur,
samedi 30 septembre 2023.
Tribu, jour 6. Tout est dit dans la parfaite conversation menée par Christian Askin. L’Afrique est multiple, actuelle, pleine de révolutions qui sauront toujours frapper la sono mondiale. Ses nations ont des choses à dire, à apprendre, et, en attendant, à balancer furieusement sur le dancefloor.
Afrorack
Pas besoin de passeport pour voyager, Brian Bamanya, alias Afrorack est assis devant son MacBook. Bonne méthode. L’Ouganda est à portée de mains. Le petit génie DIY du synthé modulaire africain, plonge, sans attendre, dans un mood savane. Et vous plonge dans sa culture électronique. Celle qu’il recompose à sa manière, celle d’un architecte. Sauvagement unique. Bordel savant, fils entrelacés et lumières cliquetantes pour un début d’une symphonie captivante. La musique rugit, avant de venir tempérer notre bête intérieure. Mélodie plus douce, comme les chants matinaux des oiseaux. Arrêt brutal. Deuxième plage, plus réaliste, plus futuriste. Une sorte d’automaton sonore électrostatique prend le relais. L’ordi est laissé de côté. Le homemade emprunte la percussion traditionnelle ougandaise. Un rythme fait-main aux couleurs des pulsations africaines électrisées. Afrorack, c’est ça : le futur qui explose les clichés qu’on pourrait coller à l’Afrique, oubliant qu’il s’agit d’un continent et pas d’un pays. L’architecte ougandais, dans son second set, en soirée, appuiera l’idée. Le corps se laisse bouger. Immersion totale. Tambours et boîte à rythmes. Hypnotique et chamanique. Brut et bestial. « BAM BAM ».
—Lucy Le Texier
[NA]
[NA], c’est un trio ‘entre-crochets’ mais c’est attrape-tout. Pile-poil dans l’entre-deux du jazz et du rock où on trouve le punk. Peut-être même un peu de free jazz, un groove qui se serait traîné dans un squat. Les Dead Kennedys, The Ex, Getatchew Mekuria parmi les quelques inspirations. [NA], c’est l’Éthiopie vue de Strasbourg. Premier souffle au sax, le son est gros. Y’a du headbanging dans le hall de la Vapeur. Rémi Psaume, porteur et briseur de lignes, comme si le baryton de Madness avait fait un séjour chez les suédois de Refused. Contre-discours à droite : Selma Namata Doyen, plutôt le toucher percus pour aller titiller la polyrythmie et chercher le décalage subtil de ces grooves éthio-jazz. Histoire de faire tenir tous les continents musicaux ensemble, Raphaël Szöllösy se duplique en bassiste et soliste au son crade, un power chord tendance libertaire et des impros léchées façon jazzman. Sales gosses que ces [NA] qui réussissent le grand écart, sans se forcer.
— Lucas Le Texier
Aunty Rayzor
Madame, MADAME !!! Chauffée à blanc. Aunty Rayzor a allumé le public de la Vap pour le reste de la soirée. Technique main de fer dans un gant de velours. « I love you », elle dit, elle donne. Le verbe généreux, un timbre qui sonne comme des coups de caisse claires. Des grosses basses avec les relances « yeah » faussement nonchalantes du DJ. Le type est aussi chorégraphe dans le civil, ça colle. Comme une pirate qui a réussi son abordage, elle contrôle toute la scène au centre. « Let’s create fire guys ». Tout ce que tu veux, Aunty, on est déjà tous aligné.es autour de toi, à boire ton flow. Aunty joue autant avec le son qu’avec les gens. T’as intérêt de laisser passer ses ladies pour le body bounce, sinon t’es mort. Mieux vaut suivre si tu montes sur scène, quand elle t’invite pour Shake, autrement c’est ciao. Ce n’est qu’une fois l’uppercut pris que tu te dis qu’il était impossible d’esquiver.
— Lucas Le Texier
mina & bryte
In extenso, la leçon de platines de Mina. Il y a du combat dans ce set de mitan de soirée. Il y a du feu, il y a de la sueur, il y a de la rage. C’est l’Afrique anglophone qui met en branle la fosse. Le podium central posé dans la grande Vap’ est pris d’assaut. Section après section. C’est d’abord Bryte « Gucci Gucci shaky shaky », métronome ghanéen de l’azonto. Secousses à base de sbrrrrrrr et de chorus public. Sous le plaisir, ça mitraille. L’argent roi, l’abandon et l’indifférence, sous le twerk insolent, les relations femmes-hommes sont débattues. Il y a de la rage sur le podium. Sous les doigts de Mina, dont les prods mettent le feu aux braises pas même refroidies et laissées, plus tôt, par Aunty Razor. Mina est anglaise, et frappée par les combats de la génération Windrush. Des expats jamaïcains issus des migration des 70’s sont menacés d’expulsion en 2018 ? Mina réactive la Clash Culture et balance jungle, sirènes house et dancehall. La lutte reste lointaine du podium mais l’urgence prend au corps. « Ice Cream, when you touch me I scream », caresse Bryte. Puis, laissée solo, Mina, prend les commandes d’une salle laissée à ses beats syncopés, lourds, très lourds, très très lourds. Creusant les joues et laissant saillir les muscles. In extenso.
— Guillaume Malvoisin
Catu diosis
Bruits d’eau pour débuter. Immersion en sous-marin dans le show. Catu Diosis démarre son set. Il est minuit et la grande salle de la Vapeur se transforme définitivement en salle des fêtes. Les verres s’empilent aux quatre coins, la fosse s’éclaircit. Seul les téméraires restent. Et ils ont raison. La DJ mixe de l’afrobeat, un poil breaké. Le booty shaking est de rigueur. Catu Dosis est journaliste ? Ce set est un docu sur la mise en PLS des meilleures intentions. Rien ne résiste. Catu Diosis est styliste ? Ce set est stylé. Les tracks s’enchainent et le BPM s’accélère, rythmé tantôt par des sons inquiétants avec en fond des gros rires de méchants, tantôt par les flows familiers de Beyoncé ou Shakira. Mina et Aunty Rayzor viendront s’ambiancer avec le public pour finir la soirée comme il convient. À fond. Certaines montent sur scène pour l’encourager à continuer. 1h30. Acclamée par les aventureux, la diva kampalo-colognaise passe son dernier son, micro à la main, en rappant pour le bonheur de pousser la nuit encore un peu, contre l’épuisement de la fosse.
— Florentine Colliat
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photo © Edouard Barra / Tribu festival
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