Bessie Smith, le blues à contresens

Bessie Smith

L’impératrice du Blues  © Carl Van Vachten

Dans l’héritage du jazz, il y a deux types de types. Et c’est encore plus vrai quand ces types sont des femmes. Certaines doivent mettre les deux pieds dans la tombe pour être famous. D’autres s’emparent du succès en étant encore debout. Des lucky girl qui s’en sont saisies, elles sont quelques-unes. Genre Diana Ross, Alicia Keys ou Aretha Franklin. Mais aucune ne devrait égaler Bessie Smith. C’est un peu l’idole de tes idoles, you know. Un répertoire de plus de 160 titres et un surnom, la ‘reine du blues’. Blues, oui mais de la mélancolie prise la joie au cœur pour devenir the one and only Empress of The Blues. Damn sis’.

Bessie Smith est africaine-américaine et elle naît en avril 1894. Le début du XXe siècle aux USA, c’est chaud. Surtout quand on coche ce genre de cases. Naître femme, noire et pauvre, c’est ultra chaud. Orpheline à 9 ans, Smith mange en chantant et dansant dans les rues de Chattanooga, bordure sud du Tennessee. À 18 ans, la future Empress of The Blues croise la route de la déjà Mother Of Blues, Ma Rainey. À ses côtés, elle se contente de danser pour l’instant. C’est à 29 ans qu’elle abandonne les chaussons pour donner de la voix. Banco, son timbre charme. Bingo, elle signe chez Columbia Records. Elle enchaîne les enregistrements : Mama’s Got the Blues, Midnight Blues, Lady Luck Blues, Any Woman’s Blues. L’Impératrice tourne et retourne le mot ‘blues’ dans tous les sens. Deux secondes d’attention aux paroles suffisent pour piger le génie de la langue de cette femme. Les double-sens explosent. L’implicite flirte avec l’explicite. La liberté sexuelle et le désir féminin fréquentent la rage due aux inégalités raciales. Les violences conjugales et l’indépendance suintent de ses lyrics. Sur les radios, sa voix est entendue. Par les noirs, par les blancs. What a damn woman.

St. Louis Blues
(extrait film, 1929)

My Man Blues
(1925)

Hateful Blues
( 1924)

Moonshine Blues
(1924)

Côté bio, Bessie Smith naît donc en 1894, dans le sud profond du Tennessee, devient la femme noire la mieux payée des twenties, empoche 2.000 $ par semaine. Juste ça. Puis boum. C’est 1929 et La Grande Dépression frappe les States. Stop le succès. Enfin, presque. Un krach boursier peut-il arrêter une impératrice ? Obviously not. Bessie Smith se se remet en scène à Broadway et joue son propre rôle dans St. Louis Blues, filmé par Dudley Murphy l’année de la chute des bourses. Toujours debout, la blueswoman est libre, indépendante et forte. La fidélité maritale ne l’intéresse pas, elle gagne sa vie seule et s’affiche ouvertement bisexuelle. Tout s’arrête pourtant à 43 ans. Accident de voiture. Plus de 7.000 personnes assistent à son enterrement. Aujourd’hui, Bessie Smith danse encore sur les lèvres, trône en icône du féminisme et de la cause LGBTQIA+. 85 ans après s’être endormie pour de bon, elle triomphe toujours. La sélection, strictement subjective, des 6 titres ci-dessus devrait suffire, au besoin, à vous en convaincre.


Ellinor Bogdanovic

Sont passées dans nos colonnes :

Carmen
McRae

Jeanne
Lee

Aretha
Franklin

Billie
Holiday

Amy
Winehouse

Nina
Simone

Mary Lou
Williams

Alicia
Keys

Alice
Coltrane

Diana
Ross

Neneh
Cherry

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