Discord_

Victor Prost : batterie ⋅ Tom Juvigny : guitare ⋅
Antonin Néel : piano ⋅ Jean Waché : contrebasse

Interview. Rencontre à Chalon s/ Saône, octobre 2020
L’Arrosoir, Jazz Club.

Discord_

Appeler un groupe Discord_, c’est pas vouloir un peu chercher la bagarre ?
Le nom est venu d’une compo perso, à l’époque représentative de ce j’imaginais comme musique à l’époque.

La discorde, c’est le matériel thématique du morceau ?
C’est venu de recherches sur la mythologie nordique et j’en suis arrivé à m’intéresser à Loki, et c’est vrai c’est venu un petit peu par hasard mais j’étais là-dessus à l’époque. 

Parlons musique et du moteur du quartet que tu as rassemblé. Tu cites l’amitié, la complicité, est ce que ce sont des valeur indépassables ou alors juste l’utopie d’un jeune groupe ?
Le but du jeu, c’est d’arriver à mélanger les morceaux et les parties des morceaux. De voyager là-dedans et, pour faire ce voyage, il faut que tout le monde connaissent ce matériel. Il faut que tout le monde écoute tout le monde. Si on est pas tous ouvert aux autres, ça circule beaucoup moins bien. 

Et sur ce niveau là vous êtes plutôt dans la concorde ou la discorde ?
Petit à petit, on voit tous ces morceaux comme une seule et même histoire. J’aime bien voir chaque compo comme un paysage et si j’ai envie d’aller à tel endroit, je demande à mes amis de me rejoindre. S’ils veulent aller autre part, j’ai envie de les suivre. Ça fonctionne comme ça d’égal à égal. 

C’est marrant. Tu parles de récit et tu n’as pas encore parlé de musique. Comme si l’élément narratif était ultra important.
Je pense qu’il l’est. C’est le but du jeu, je pense, pour capter l’auditeur faut que ça lui parle. Ok, ce sont des notes mais c’est surtout une histoire et un décor. 

Tu prends soin de ça quand tu composes ?
Je réfléchis beaucoup en termes de couleur, de texture. 

Comment ça travaille, Discord_ ?
Il y a Tom et moi qui formons Cosmos. Antonin, Jean et moi, on forme Segment et tous les 4 Discord_. Parfois on a essayé le répertoire de l’un, avec tel groupe mais c’est pas souvent très concluant. Les 3 groupes ont leur répertoire et ça raconte pas les mêmes histoires. 

Ton groupe est né au conservatoire.
En fait, ça vient d’une session faite par hasard. Un mercredi, on s’est retrouvés à 18h pour jouer des standards et  il s’est passé un truc de dingue. Je me suis dis : « Si je veux écrire de la musique, c’est avec eux ». 

On a déjà eu l’occasion de se parler et tu m’as dis : « C’était temps pour moi d’être leader de mon expression », le déclic, il est venu comment ?
J’ai eu la chance d’accompagner beaucoup de musiciens et de leaders dans la chanson, dans le classique, beaucoup de jazzman aussi mais finalement j’avais envie d’autre chose. Si je le cherchais pas ou je l’écrivais pas maintenant, j’allais pas le trouver avant très longtemps. 

Cette chose-là, c’est quoi ?
Je dirais une musique que j’aime beaucoup et que j’entend rarement. C’est toujours plein de surprises pour ceux qui écoutent et pour nous, aussi, car on ne sait jamais où on va atterrir dans la minute qui suit.

Tu parles de surprise, vous vous tendez des pièges ?
Pour l’instant pas trop, on essaie de se serrer les coudes parce qu’on a encore un petit peu peur de se perdre. Mais, plus tard, quand on aura plus peur on ne fera que ça, se perdre, et ça sera encore mieux. 

Si on te demande des influences ça fait un peu grand écart, tu cites Tony Williams et Ligeti, c’est plutôt large.
C’est un mélange de ce qui m’attire. Chez Ligeti, c’est cette constante recherche et un son indéfinissable, un timbre qui m’a vraiment beaucoup plu. Pour Tony Williams et son Lifetime, son premier groupe, il y a une énergie phénoménale. C’est jeune, c’est violent. 

T’es un batteur qui compose au piano ? Tu t’es donné la contrainte d’une formation au piano ou tu composes avec les moyens du bord ?
Je compose avec le peu que je sais faire au piano, disons, que je préfèrerais qu’on me regarde pas quand je compose. Je fouille, je trouve et quand ça arrive j’essaie de pas lâcher l’affaire. 

Voici une nouvelle qui est pas vraiment un scoop, tu es un jeune musicien. Est ce que tu es plutôt déférent face aux références de l’histoire du jazz croisées lors de ta formation ou as-tu l’impression, au contraire, d’avoir une personnalité déjà affirmée ?
Je pense que, par cette écriture-là et l’initiative de monter ce projet, je me dessine une personnalité que je pense très sincère. Donc je m’accroche à ce truc et à cette idée. Bien sûr, j’adore le jazz traditionnel, cette vieille musique, mais, pour le moment, je m’amuse avec Discord_. 

Tu parles de vieille musique et d’héritages, qu’est ce qui te fait kiffer ?
Aujourd’hui, j’écoute beaucoup l’avant-garde américaine où ça mélange recherche, timbre et complexité hors du commun. C’est vraiment une recherche de concept qui me plaît beaucoup, même si ça ne ressemble pas à la musique de Discord_ ça l’inspire beaucoup.

— photos © LeBloc / CRJ (2020)


Propos recueillis par Guillaume Malvoisin à Chalon-sur-Saône, le 2 octobre 2020.

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