« On doit dire quoi ? — Sais pas, je voudrais juste votre avis . » Dialogue saugrenu volé à Vitrine, performance urbaine sonore et mise en mouvement. Pour le moins, la formule est réductrice. Ce dialogue extrait de 40 minutes données à bâtons doucement rompus ouvre toutes les perspectives, joue avec les cadres familiers. Il n’est, après tout, question que de cela dans Vitrine, pensé avec bonheur par Les Harmoniques du Néon. Faire son cinéma du quotidien, recadré et décentré, mis en son, là aussi recadré et décentré. Ça joue avec les tympans et les regards, avec l’altérité, avec ces assemblages vendus depuis quelques temps désormais sous l’étiquette fragile du « vivre ensemble », un peu en panne finalement.
Boom du vélo électrique, boom du tatouage, boom boom du running citadin, hétérodoxie des silhouettes de l’époque, démocratisation des Air Max, « du bleu, du jean, du noir », des petites caill’ tout à fait attentionnées, une grande dame feignant l’ignorance, des automobilistes faisant de gentils signes, des groupes de visages découvrant, souvent amusés, la petite assemblée réunie derrière les vitrages qui, alors, deviennent écrans. Déterminant chaque élément fortuit comme élément voulu par la performance. Jouant à la jonction de Conversation secrète de Coppola, du Spectateur Emancipé de Jacques Rancière et du meilleur des épisodes de Strip-tease. Agissant comme des supports politiques à la gesticulation aussi classe qu’incongrue d’Anne-Laure Pigache, répondant à la composition in situ d’Anne-Julie Rollet. Micro HF à la ceinture, la danseuse de rue, comme on parle de peintre de rue ou de musicien de rue, redessine à son tour avec délai et compression une imagerie sonore d’un fragment municipal trop familier pour ne pas être redécouvert. Avec finesse et fragilité, avec une pensée humble, avec un amusement aguerri à jouer les metteur·es en scène, les inventeur·rices, les décentreur·es de réalité. Après les silhouettes repeintes à l’improviste, aux rythmiques et redites des corps dont les âmes ont été chipées par la perf, vient « Le plaisir assis d’une relation qui dure, qui passe en fond de scène». Consolateur comme ce clip final à la bande-son très douce et aux images aussi vite passées que les traces durables qu’elles laisseront.
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