Line-up
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Christer Bothén – donso n’goni, clarinette basse, clarinette contrebasse, piano
Mats Gustafsson – sax ténor, flûte, flûte coulissante, clarinette en lab, harmonica, orgue, électronique live
Goran Kajfeš – trompette, pocket trompette, synthétiseur, électronique, percussions
Kansan Zetterberg – basse, donso n’goni
Juan Romero – congas, berimbau, percussions
Invitée spéciale :
Marianne N´Lemwo – karignan
Revenir à Don Cherry aujourd’hui, c’est toujours un peu glissant. Trop de relectures passent par le filtre “jazz mystique sous acide” ou la flûte modulaire sur vinyle translucide. TRACES, premier album de Cosmic Ear, prend la tangente. Le disque ne cherche pas à citer Cherry, mais à repartir de sa logique : collectif, écoute, espace.
On y retrouve Christer Bothén, clarinettiste basse au souffle granuleux, ancien compagnon de Cherry dans sa période suédoise — ici, il trace la colonne vertébrale du groupe. “Father and Son”, en ouverture, s’appuie sur l’un de ses motifs lents et mouvants, immédiatement épaulé par une basse fluide signée Kansan Zetterberg. Autour, les rôles tournent sans s’écraser. Mats Gustafsson, loin de ses habituelles saturations, passe ici en mode feutré : sax ténor, flûtes, clarinette en lab, harmonica et orgue se fondent dans la texture. Même logique chez Goran Kajfeš, qui injecte trompette et synthés par touches, comme pour ouvrir des fenêtres dans la matière. La pulsation vient de plus bas : Juan Romero, aux congas et au berimbau, garde le groove mouvant mais jamais rigide. Et au détour d’un morceau, un raclement percussif inattendu : Marianne N’Lemwo et son karignan (racloir métallique d’Afrique de l’Ouest), posée là comme une respiration brute. Tout ça reste d’une retenue rare. Même “Do It (Again)”, dédié à Sofia Jernberg, installe sa tension par étirement — longues lignes modales, respiration collective, présence sans ostentation. Rien n’est là pour faire “effet Cherry”. Le mixage (Andreas Werliin) laisse tout ça ouvert : pas de collage, pas de saturation. On entend les interactions. Même l’objet suit le ton : insert clair, artwork sobre signé Bothén, sans ésotérisme visuel forcé. TRACES évite les codes usés du spiritual jazz tout en y restant connecté par l’écoute. Un disque collectif, vivant, et étonnamment lucide sur ses propres références.