les reviews de pointbreak
The Ex
+ WAL
jeudi 17 octobre 2024,
La Grenze, Strasbourg
↓
Wal
Wal, c’est sans fond, c’est électrique. Electric, indeed, la moitié du duo Electric Electric. Assis, en entame de set solitaire et concentré, face à son long bourdon tibéto-granulaire, Éric Bentz avance pourtant. Avance assis, paradoxe assumé sans problème par le rockeur soliste, batteur gratteur de mondes, lonesome droneur. Drone et paradoxe bon résumé pour cette improvisation. Brute, précis et finalement crue comme sait l’être la betterave dans une assiette : amère, terreuse puis génialement inventive. Ok, pour l’image, mais ça invente quoi un batteur en croisée solitaire ? Un face à face avec ses fûts, d’abord. Puis ça invente un peu de soi, aussi, dans la gestion folle de dynamiques, de micro battues, de clusters marmoréens. Artefacts DIY, espace sonore élaboré pour se mouvoir autour d’une seule obsession, d’un axe sonore unique. Ce qui coiffe le tout, et finit quand même et heureusement par l’ébouriffer, c’est que Bentz joue à la marge de styles antagonistes : noise ardue, contemporain aléatoire. C’est très fin, la science du montage du batteur. Ce grand type plein de musique et jamais démonstratif tourne autour d’une cellule rythmique, l’augmente ou la développe. Quasi cinématiques, les idées procèdent par fraction et par effraction, répétitives sans jamais être roboratives, très classes au creux d’une narration. C’est sans doute ça, aussi, qu’invente un batteur seul. Des histoires très frappantes et sans fin. Si ce n’est celle du son mat et proprement inexistant d’un abat-jour Ikea sur la caisse claire.
The Ex
Et puis l’incendie prit. 10 nouvelles chansons de punk et quelques autres pour allumer les braise. Pas mal de petites gueules en face pour souffler dessus. Et prit l’incendie. Voir, aujourd’hui, The Ex, une paire d’années après la création du quartet incendiaire en 1979, c’est non pas entretenir un souvenir insurgé et nostalgique mais mettre les deux pieds dans son époque. Aujourd’hui, le punk bienveillant et péremptoire de The Ex sonne mieux. Enragé toujours et plus clair encore. Sans doute peuvent-ils avoir réussi ce que Sonic Youth aura manqué. Sans doute Arnold de Bœr a fini par dompter la bestiasse post-Sock. Sans doute sa guitare révèle encore mieux les contrepoints quasi-contempo, quasi-jazz, noisy et très souvent rapportés de pas mal de coin du continent africain. Les polyrythmies frappées, sans fatigue apparente, par Katherina Bornefeld font le lit et le jeu des trois autres cocos, remueurs d’invectives et de rage canalisée. Voir The Ex aujourd’hui, ce n’est pas croiser une légende mais prendre part à une forme de prescience en action. This Is Not A Virus, gravait le groupe en 2014, bien avant le lockdown mondial. Great, clame la face A de leur dernier single sortie en février dernier. Du Virus pénible à la grandeur clamée, chacun fera facilement son choix. Great, ainsi donc sera ce set strasbourgeois. Salle parfaite, son de diamantaire, groupe chauffé à rouge, public sans amour propre. La rencontre aurait eu du mal à échouer. 3 rappels pour consacrer ce moment impérieux, rempli, à l’usage et à l’habitude, de groove pendulaire, d’encastrements supersoniques, d’obsessions magistrales, de contrepoints carnassiers et super délicats dans leur voracité. 3 rappels monstrueux. Pour dire merci, un peu. Pour rire et brailler ensemble et ne rien laisser à la brume des jours prochains. Pour se secouer avec un sourire hargneux. Jusqu’à vous faire régurgiter sang et eau. Et le meilleur des bo buns aussi.
La Grenze / Strasbourg : site web