Son house, blues fait maison

Olivier Renault, déjà auteur aux éditions Le Mot et le Reste d’une bio de John Lee Hooker, récidive. Cette fois-ci, c’est pour Son House, un des pères fondateurs du Delta Blues. 

par | 22 Mai 2024 | Livres

Son House and Skip James - Dick Waterman

Success story, loser magnifique. Son House, éclairci par Olivier Renault dans cette somme passionnante sur l’un des pères du Delta Blues. En filigrane, une certaine idée de l’authenticité.
Originaire de la région de Clarksdale, Mississippi, Son House alternera toute sa première vie entre son boulot de métayer la semaine, et sa vie de musicien dans les juke joints le week-end. Le son de Son, c’est quelque chose. Guitare à résonateur, bottleneck, voix chaude de baryton. Et cette façon de chanter-prêcher, petite singularité du guitariste qui deviendra homme d’église sur le tard. La marque des grands, dit Renault. Il y a quelque chose de mythique dans l’histoire de Son House. Comparse de Charley Patton, éminence grise du Delta Blues, tuteur du jeune Robert Johnson. Patton prend aussi Son House sous son aile et l’emmène enregistrer pour Paramount. Il y grave ses classiques qui le suivront ad vitam eternam, Preachin’ the Blues, Walkin’ the Blues. Bien sûr, on retrouve l’éternel Alan Lomax qui, sur les conseils de Muddy Waters, prend le son de Son. Magie de la phonographie, l’ethnologue enregistre l’une des plus grandes sessions de blues au Lake Comorant, en 1941. Le grand plaisir cette biographie se situe dans ce décorticage, par Renault, de toutes ces séances, en studio ou en live.
Et ce fil rouge donc, de loser magnifique. Départ en 1943 pour Rochester, dans le Nord, où Son s’installe et bosse comme ouvrier. Terminado la carrière ? Contre toute attente, 20 ans plus tard, le revival folk pousse les jeunes blancs à organiser une véritable chasse à l’homme pour retrouver Son. Et nous d’avoir ce petit goût d’amertume. Alan Lomax savait où, mais n’avait pas donné l’info. Pourquoi ? Dick Waterman, nouvel agent de Son, qui lui interdit de jouer de la guitare électrique pour coller à cette demande de pureté. Ah ? Son ratage au Newport Folk Festival en 1964, son alcoolisme qui lui fait manquer un co-plateau avec Eric Clapton en février 1970. Bordel.
N’empêche que le guitariste rayonne sur les jeunes musiciens qui se pressent à sa porte. Sur les publics du revival aussi, qui écoutent ses prêches introductifs autant que ses slides rugueux. Plus qu’un concert, un bout du passé rural, sudiste. Une expérience qui chapeaute la première vague hippie dans sa quête démesurée d’authenticité.

Couverture Son House

— Son House (Le Mot et le Reste, novembre 2023)


Lucas Le Texier
photo © DR

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