Proscratinoob

PointBreak a joué l’entremetteur entre le jazz et les millenals qui, a priori, s’en contrefout un peu du jazz. On a laissé jouer les algorithmes. C’est marrant, tous ces tracks qui émergent des descentes de la Gen Z dans SpotiTube, You-Fy et autre AlgoFlash. Ici, c’est même très drôle, totalement valable. Bref, c’est Jazz noob. Procrastinoob, c’est le cinquième épisode d’une saison 2 de témoignages-vérité.

par | 24 Mar 2022 | Jazznoob

One Punch Man

One Punch Man © Shingo Natsume, Madhouse (2012)

Ok. Il est vrai qu’on aime toujours remettre à plus tard ce que l’on pourrait faire facilement. Et je l’avoue, j’ai tardé. Pendant des jours et des jours je me suis dit : «  Allez là, il faut faire le Jazz Noob, c’est important d’étaler sa culture du rien à la face du monde ». Résultat, je suis en retard d’un jour sur le planning, mais on y est ! C’est le moment ! J’ai parcouru les épisodes précédents pour comprendre plus amplement de quoi il était question et je suis prêt. Je me lance.
J’ouvre Word et prend ma plus belle police. Alors que démarre l’application Spotify, j’en profite pour me rouler un petit doobie, aussi appelé « reefer » chez nos ami·e·s du Jazz. Un verre de thé glacé dans la main, là c’est parfait, je sens que je vais apprécier l’exercice. Attendez, attendez… Un doobie ? Vraiment ? Oh ! Mais oui bien sûr ! Rappelons ici que le jazz et le cannabis ont toujours été étroitement liés. Demandez donc à Louis Armstrong, Cab Calloway ou encore Ella Fitzgerald. J’arrête ici pour ne pas trop faire de namedropping. Bref, je tape « Jazz » sur Spothifi, je clique sur le premier morceau que je vois, je vais à la fin du morceau pour tester l’algorithme. Boom ! Premier Fail. L’algorithme de Spotify ne fonctionne plus. J’ai envie de dire « Géééénial ». Pas de problèmes. On passe à Youtube. La recherche continue.
Entre 10 vidéos de « relaxing-jazz-4hours » et une vidéo d’extrême-droite (merci la mise en avant des contenus pourris), je repère un titre Almost Blue de Chet Baker compilé en 1989 sur l’OST de Let’s Get Lost, un an après sa mort. C’est lent, c’est suave, c’est à la fois sexuel et triste. Je ne connais pas Chet ni ce morceau mais ce que je peux en dire c’est que j’ai l’impression d’être dans un film noirci. Sous mon casque, je suis dans une ville déserte, il pleut et je marche en remettant en question la réalité. Soudain une voix apparaît, elle me parle, je comprends que je ne suis pas le seul à avoir été dans cette situation. Chet m’a touché au plus profond.

Dans les suggestions qui suivent, je repère mon second titre, I’d Rather Go Blind de Etta James. Version live de 1975, s’il vous plaît ! Ouch ! C’est propre. C’est loin du jazz que j’imaginais. Car je dois l’admettre, ce n’est pas ma tasse de thé préféré. En tout cas, elle a une voix, mais quelle voix ! Tellement poétique et pleine de sincérité. Je suis sous le charme. C’est lent comme on aime, mais en même temps on ressent ce son des 70’s. J’ai parfois l’impression qu’elle rappe. Il y a vraiment une puissance dans ce morceau. Et voilà, maintenant j’ai envie de crier « Baby-don’t-leave-me-boy » comme elle, mais genre à n’importe quel moment de la journée.

Almost Blue, Chet Baker (1988)

  I’d Rather Go Blind, Etta James (Live, 1975)

Aphex Twin

Aphex Twin

Ravi Shankar

Ravi Shankar

On enchaine sur le troisième titre que je vois dans la liste et qui bizarrement revient plusieurs fois. Oh surprise ! C’est Aphex Twin avec Stone In Focus sorti en 1994 sur Selected Ambient Works Volume II. Alors, oui c’est évident, je connais Aphex Twin surtout par Windowlicker. Et là, on dépasse le jazz. Youtube l’a bien compris. Jamais, je m’étais penché sur Aphex Twin dans cette configuration. C’est un artiste que je vois comme un jazzman de la musique électronique qui s’affranchit de tous les codes établis. Le son est divin. Les synthétiseurs m’emportent et m’élèvent toujours plus haut. J’aime les synthétiseurs. J’ai quitté le film de Chet Baker, c’est certain. Plus rien de la réalité n’est remis en question. Au contraire, j’en deviens le spectateur principal. Alors que j’étais en immersion totale dans la musique, le morceau s’arrête net et m’est suggéré Morning Raga de Ravi Shankar.
Quatrième pépite. Sorti en 1968 sur World Pacific, Morning Raga est semble-t-il un album. Je ferme les yeux et j’écoute. Ravi Shankar, c’est le master du Sitar. Je l’avais déjà écouté mais plutôt en compagnie de Zakir Hussain son joueur de tabla. C’est beau et toujours lent. En analysant bien, on pourrait comparer ça à du blues. Bon, en même temps l’algorithme est pas si déconnant. Ravi, c’est quand même le père de Norah Jones. Et si on l’écoute le matin, je pense qu’on peut vivre la plus belle journée de sa vie. En même temps, les commentaires Youtube le disent, merci à eux aussi.

— J’pète les plombs, Disiz La Peste (Le poisson rouge, 2015)

Teruo Nakamura

Teruo Nakamura

Dernière suggestion. Je ne connais pas du tout. Je tombe sur un album, Unicorn de Teruo Nakamura sorti en 1973. . J’avance dans la vidéo. Et là, à 12 min 51, c’est la claque. Le morceau Some Other Blues. Une vraie découverte. C’est puissant, c’est magistral. La ligne de basse est démente, le Rhodes est poseyyy comme on dit. Et le sax ? Oulah, il est sulfureux à souhait. Et cette voix derrière ? On dirait qu’elle crie « A poiiiilll » Vraiment, j’adore. J’adore à tel point que ça pourrait en devenir ma nouvelle sonnerie de réveil. Vraiment, vous pouvez l’utiliser à toutes les sauces : hymne scandé lors de rencontres sportives pour remplacer le traditionnel « Poooooo pooolo popopooooo po » merci les White Stripes ; ou encore, générique du géant américain des séries adieu le fameux «  tu dummmmm » ; enfin et surtout, identité musicale d’une petite chaîne locale de fast-food prônant le concept du « venez-comme vous êtes ». *Eclair de génie* Ah ouais ! C’est bien ça ! Imaginez, à l’image on verrait un hamburger qui tombe en slow motion. Un bel hamburger avec sa sauce là, celle qui dégouline de plaisir. Hummm ! Avec ses petites frites qui s’agitent dans tous les sens. Stop ! J’ai trop faim, il m’faut un Macdo. T’avais tout compris Disiz, comme toi j’espère que j’aurai un Morning Raga salé, vous savez celui avec l’œuf ? 


Damien Renel

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