FR.
On l’aura traversé un paquet de fois, chez PointBreak, ce pont transatlantique. Dans les textes écrits pour Jazz à Poitiers, pour Sons d’Hiver, dans les chroniques des concerts reçus par Zutique prod. Comme spect-acteur, aussi. Acteur, oui, tant ces rencontres arrangées sont exigeantes. Pour l’écoute de ce qui s’y joue, pour la présence à soi, pour l’invention de l’alterité. On en aura vu, des réussites splendides, Sonic Communion, Shore To Shore, par exemple, des réussites moindres, Sangliers ou Twins, pour autres exemples. Bref, l’improvisation, on le sait, c’est du poker adapté à l’instant musical. Ne rageons pas, ne refaisons pas les grandes théories sur l’accident soudain que provoque l’improvisation entre les humains et qu’il faut résoudre dare-dare ou périr sans gloire. Cette version 2.4 du dispositif de ré-union entre Chicago et la France est, à notre humble avis, une des plus belles choses entendues sur la passerelle de The Bridge. Preuve avec la tournée. Preuve avec cet enregistrement, où le quintet asymétrique et prodigieusement anti-paritaire flotte au-dessus des lois physiques et des clameurs sensorielles. Soit Morphose. Soit Morgane Carnet, Macie Stewart, Fanny Lasfargues, Jozef Dumoulin et Damon Locks. Soit la puissance d’évocation de cinq musicien·nes maîtres·ses de leur langage, de leurs instruments et augmentations éventuelles. Si tout peut sembler suspendu, dans les sept capsules improvisées et mises sur disque, tout se joue en-dessous de la surface de ce qui est audible. Il y a une forme de prescience dans ce quintet. Chacun joue avant qu’on ne comprenne ce qui est articulé à notre attention. Tout est clair dans ce que chacun livre, tout reste à construire pour le décoder pourtant. Et cet acte, nécessaire et délicieux, est proche du geste d’un amant, d’une tentative votive. Il faut se baigner dans les matières de Morphose, étirées à loisirs et par bonheur, pour rejoindre la rive d’en face, mouillée de belles eaux. Le son parfait de Morgane Carnet, révélé par bribes sensibles miniatures dans Morning Mouvement. Ailleurs les traits vindicatifs et cinglants de Macie Stewart. Ailleurs, encore, le support sans faille de ce gardien de la flamme chicagoanne que sait être Damon Locks, intro de Réverberation. À chaque morphose individuelle correspond un contrepoint d’ensemble, fédérant un disque hardi et astucieux, délicat et, pour cela justement, redoutable.
UK.
We’ve crossed this transatlantic bridge a bunch of times, here at PointBreak. In texts written for Jazz à Poitiers or Sons d’Hiver, in some reviews of concerts scheduled by Zutique prod. We crossed the bridge as a spect-actor, too. Actor, indeed. So demanding are these finely arranged encounters. Demanding in the way you listen to what’s being played, in the way you are present to yourself, in the way you invent an alterity. We’ve been in front of some cute successes, Sonic Communion and Shore To Shore, for example, and some lesser ones, Sangliers and Twins, for other examples. In short, improvisation, as we know, is a poker stroke adapted to the musical moment. Let’s not rage, let’s not rehash the great theories about the sudden accident caused by improvisation between humans, which must be resolved asap or perish without glory. In our humble opinion, this 2.4 version of the reunion between Chicago and France is one of the most beautiful things heard on the bridge of The Bridge. Proof is the tour. Proof is this recording, where the asymmetrical and prodigiously anti-parity quintet floats above the laws of physics and sensory clamour. So is Morphose. There are Morgane Carnet, Macie Stewart, Fanny Lasfargues, Jozef Dumoulin and Damon Locks. Thus the evocative power of five musicians who are masters of their own language, instruments and augmentations. While everything may seem suspended, in the seven improvised capsules recorded on disc, everything is played out below the surface of what is audible. There is some kind of prescience in this quintet. Everyone plays before we can even understand what is being brought to our attention. Everything is clear in what each of them is delivering, yet everything remains to be constructed in order to decode it. And this act, both necessary and delicious, is akin to a lover’s gesture, a votive attempt. You have to bathe in Morphose’s materials, stretched out at leisure and happily, to reach the opposite shore, wet with beautiful waters. Morgane Carnet’s perfect sound, revealed in sensitive miniature snatches in Morning Mouvement. Elsewhere, the vindictive, scathing strokes of Macie Stewart. Elsewhere, the unfailing support of Damon Locks, one of the keepers of the Chicago flame heard on Réverberation’s introduction. Each individual Morphose is matched by an overall counterpoint, in a record that is bold and astute, delicate, federative and, for that very reason, formidable.
The Bridge Sessions : site web