Lead Belly, Jailhouse folk
Amaury Cornut sort aux éditions Le Mot et le Reste une histoire de Lead Belly, la première biographie du bluesman folk.
Le point commun entre Bob Dylan, Kurt Cobain et les White Stripes ? Ils ont repris du Huddie William Ledbetter, dit Lead Belly. Dans sa bio, Amaury Cornut retrace l’itinéraire du guitariste-chanteur, avec toutes ses couleurs. Celle qui était trop belle : enfant unique né à la fin du XIXe, qui reprend la vie de fermier de ses parents, ce decorum sera sempiternellement fui par le jeune Ledbetter. Entertainer et guitariste doué, coureur de jupons vantard, souvent en bonne place dans les bagarres. Juke joints du Sud, remplis de l’ivresse des airs et bourrés de filles. En 1918, le coup de trop à la gâchette l’enferme en prison au Texas jusqu’en 1925. Idem en 1930 où il blesse un homme blanc au couteau et termine sa trajectoire dans les geôles de Louisiane jusqu’en 1934. Ledbetter y devient Lead Belly, sobriquet reçu d’un curé des geôles.
Si la musique sauvera Leadbelly par deux fois, gracié suite à ses compositions pour le Governor Pat Neff et le Governor O.K. Allen, Amaury Cornut dresse le rapport ambigu que le bluesman entretient avec son fond de commerce. Les folkloristes Lomax le font sortir de prison, Lomax père devient son imprésario et son manager de tournée. Mais le Lead Belly amnistié a toujours un peu de son boulet au pied avec ce genre d’agent. Lui qui se voit offrir une vitrine pour sa musique tandis qu’il est forcé de revêtir les habits de prisonnier ; lui qui joue pour les bourgeois blancs ou les universités le jour et s’enfuit le soir venu pour faire la tournée des bars africain-américains ; lui qu’on incite à enregistrer du blues alors que son truc, c’est le trad’.
Récit cruel car ce n’est que post-mortem que les chansons de Lead Belly vont connaître le succès. Pour les jeunes pousses de la musique folk du revival des années 40, Pete Seeger ou Woody Guthrie en tête, il est leur maître à penser. Premier musicien de folk américain à tourner en Europe en 1949, il meurt la même année des suites de la maladie de Charcot.
La mémoire de Leadbelly reste vivace grâce aux nombreux enregistrements de blues, folk et protest songs laissés par le musicien de chez feu Ash Recordings. À la fin de son livre, Cornut retrace la circulation de quelques chansons (The House of the Rising Sun) dans les musiques populaires. L’influence du père de la folk s’étend bien au-delà de ce monde.
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Lucas Le Texier
photo © William Gottlieb / Library Of Congress, USA
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