les interviews
de pointbreak
La Sido
Femmes d’amour
et d’assaut
La Sido sort son deuxième album Filles de vague ou de ruisseau. Avant son premier concert, le 6 octobre au Boeuf sur le Toit à Lons-le-Saunier, PointBreak a rencontré Sidonie Dusbosc autour de cet hommage à Anne Sylvestre, Colette Magny et Barbara.
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Vous avez sorti un premier album en 2018, Pour tout bagage on a 20 ans. Est-ce que La Sido est devenue Si Doré ?
(elle rit) Non, mais on n’a plus vingt ans. La Sido a pris de la maturité, un peu d’âge et est devenue une femme, finalement. Je dirais qu’en tant que groupe, on se connaît très bien. C’est très plaisant de débuter un nouveau projet, avec ce que ça a d’excitant, de complicité, et de confiance entre nous. Les choix des chansons et des thématiques ne sont plus les mêmes qu’il y a 6 ans. Il y a le désir de parler avec un regard de femmes et de parler des femmes. Auparavant aussi, mais c’était au prisme des paroles d’hommes. J’avais une envie nouvelle.
Dans ce deuxième disque, il y a un côté un peu moins burlesque ou théâtral. Est-ce que ça vient du sérieux de l’âge ou du répertoire ?
Plutôt du répertoire, car avec l’âge on peut rester burlesque (voire l’être de plus en plus). Ici, on s’attaque à trois artistes qui ont des parcours complexes, du fait de leur condition de femme et de l’époque. Même si on a souhaité mettre un peu de légèreté par-ci par-là dans le choix des chansons, ces femmes ont des récits de vie assez sombres. Elles parlent sincèrement de leur vie, on est en plein dans le réel. C’est ce qu’elles disaient elles-même : pour apprendre à les connaître, il suffit d’écouter leur chanson.
C’est cette dimension tragique qui fait le lien, chez vous, entre Anne Sylvestre, Barbara et Colette Magny ?
C’est plutôt venu dans l’autre sens. Je savais que je voulais un répertoire de femmes. Je trouvais que ces trois-là, qui ont vécu à la même époque, avaient des caractères et une manière artistique de s’exprimer très différents qui pouvaient bien se répondre. Je me suis imaginé ça un peu comme la rencontre entre Ferré, Brassens et Brel. Même si elle est assez géniale et passionnante, tu as ces trois bonhommes qui parlent entre eux et qui en mettent pas mal dans la tronche des femmes. D’où cette interrogation : qu’est-ce que ça aurait donné une réunion similaire avec Colette Magny, Anne Sylvestre et Barbara ? D’ailleurs dans le concert, il y aura des extraits sonores d’interview. J’ai essayé de recréer ce dialogue imaginaire entre elles.
Qu’est-ce qu’elles se disent ?
Pourquoi est-ce qu’elles chantent. Pour elles, ne pas le faire, ce serait comme mourir. Si elles ont longtemps chanté avec les mots des autres, elles ont eu envie un jour de parler avec leurs mots de femmes, d’où le fait qu’elles aient commencé à écrire. Il y aussi l’importance de la colère, nécessaire et motrice, surtout chez Anne Sylvestre et Colette Magny. Chez Barbara, c’est plutôt l’amour à tout prix. C’est très fort venant d’elle, vu combien elle a été traumatisée dès l’enfance et comment elle s’est reconstruite grâce à l’amour.
Comme le disent Anne Sylvestre ou Barbara, en écrivant pour elles, elles écrivent pour toutes. C’est un peu le sens de ces paroles, « filles de vague ou de ruisseau, filles de brume ou de plein ciel »… L’histoire d’une femme, c’est l’histoire de toutes les femmes. C’est aussi pourquoi le disque s’appelle ainsi, et pourquoi ce sera le premier morceau du concert. Pour bien poser les bases.
Colette Magny a un gros héritage dans le monde du jazz, avec le monde du free et l’histoire des africains-américains. Elle a un répertoire hyper bruitiste et incarne aussi l’image d’une anti-femme traditionnelle. Comment as-tu appréhendé cet héritage ?
J’ai été attirée par son caractère hyper libre et par sa capacité à tester plein de trucs. Après, dans les chansons que l’on a choisi, et la façon dont on les interprète, on en fait encore autre chose. Puisque je n’ai ni sa voix, ni son caractère. Sa folie, en somme. L’héritage s’est fait plutôt de la matière du texte, alors que la musique nous en avons fait quelque chose qui colle vraiment à nous.
Pierre-Antoine Savoyat (PA) est derrière les arrangements de ce second disque. Comment avez-vous travaillé ensemble ?
C’était comme une commande. J’ai déjà fait le choix des chansons, puis je les ai envoyées à PA. On n’a pas eu tellement d’échange ensuite. Il a commencé par Une Sorcière comme les autres, et me l’a partagée afin qu’il sache s’il prenait la bonne direction. Ensuite, il a tout ramené lors de la résidence et il a dirigé les répétitions. On a plutôt découvert avec lui sur le moment, ce qui était assez génial.
Je trouve aussi qu’il y a eu une évolution stylistique par rapport au premier qui était très « jazz ». Je pense à des titres comme Boa ou Trop tard pour être une star.
PA a aussi cherché un équilibre, d’où l’intérêt d’avoir une seule personne derrière les arrangements. Il y avait aussi, comme je le disais, une volonté de restaurer un peu de lumière dans les arrangements. C’est ce qui explique en partie cette diversité.
Dans la prochaine valise, vous aurez trente ans. La Sido, ce sera quoi ?
Qu’est-ce qu’on va raconter à trente balais (elle rit) ? Dans l’idéal, pour le prochain disque, j’aimerais que ce soit de la compo. En même temps, je trouve ça hyper intéressant d’avoir ce genre de projet autour de la réappropriation et des réarrangements. Ces textes sont tellement d’actualité et méritent toujours d’être entendus.
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Lucas Le Texier
photos © Clément Vallery
Filles de vague ou de ruisseau, sortie le 4 octobre 2024.
Chronique à lire dans le Podium de septembre 2024.
+ d’infos sur La Sido.
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