Iva Bittová, parmi le peuple libre

Iva Bittova

Iva ittová © DR

Dans l’héritage du jazz, il y a deux types de types. Et c’est bien plus vrai quand ces types sont des femmes. Il y a celles qui ne trouvent d’autres choix que de se conformer aux normes. Et puis il y a les autres. Celles qui ne cherchent pas à se débattent dans les codes imposés par les frangins peu partageurs, mais qui prennent la tangente sans plus attendre. Celles qui font l’histoire sans le revendiquer. Ces femmes-là explorent et, encore mieux, apprivoisent, les possibles de la musique en action. Elles privilégient la création et ne reconnaissent, comme devise, que vérité et liberté. Celles-ci savent mixer l’expérimentation d’avant-garde à la joie de fouiller les racines ancestrales. Parmi celles-ci, il y a Iva Bittová. Actrice, violoniste et chanteuse insouciante mais jamais tranquille. Iva est ainsi. Curieuse, aventureuse et définitivement libre.

Iva Bittová naît en juillet 1958 à Bruntál, en Moravie, région ouest de l’actuelle Tchéquie. En 1958, la Tchéquie est entichée dans la République tchécoslovaque communiste. On appelait ça alors, pudiquement, pays satellite. En réalité, plutôt une amulette pour l’Ours Soviétique qui servait de tampon face à l’Oncle Sam. Guerre froide oblige, pas de conflit ouvert entre les USA et L’URSS mais un contrôle de pouvoir à distance. Et le peuple tchèque en fit les frais, plus d’une fois, à l’instar de ce printemps de Prague, en janvier 1968, où le redoux n’aura profité qu’aux balles russes. Acte manqué géo-politico-freudien ou rébellion intime simple, dans ce pays verrouillé, Iva Bittová rue face au père, le contrebassiste Koloman Bitto, et refuse d’aller plus loin dans l’apprentissage du violon classique. Elle sera actrice dans les théâtre d’avant-garde et entre au conservatoire de Brno pour se former. L’art scénique lui coule durablement dans les veines et irrigue encore la musicienne. Années de formations qui débouche sur un apaisement puisqu’elle reprendre la violon honnis pour en faire un instrument adoré. Mais à une unique condition : travailler le violon neuf heures par jour « pour atteindre la liberté expressive » qu’elle a toujours visée. C’est réussi. Cette liberté ne la quittera plus. Même quand elle monte au créneau de la Révolution de Velours en 1989 aux côtés de Václav Havel. Pas de ministère mais des ménestrels, pour Dame Bittová.

Ne Nehledej (Stop Searching)

par Iva Bittová | Ne Nehledej (1994)

Côté bio, Iva Bittová nait donc en 1958, apprend l’art dramatique, le violon, chante en Tchèque, Allemand et Anglais puis compose, aussi. Elle explore dans tous les sens ce qui peut faire musique. D’une naïveté, revendiquée comme art de vivre et de jouer, elle ne se donne aucune limite. Ce qui la porte à recréer de très vieilles chansons de Moravie, à côtoyer la fine-fleur du Dowtown New York où la musique libre prend ses quartiers au débuts des années 80 avec John Zorn, Tom Cora et Fred Frith. Défiant les oppressions, quelles qu’elles soient, Iva Bittová prend pour armes le chant, celui de la comptine ou celui des longues lignes atonales improvisées avec Arto Lindsay, Zeena Parkins ou Cyro Baptista. Ce chant va jusqu’à jouer les contre-chants quand il s’appuie sur son jeu de violon, il tisse alors des équilibres harmoniques d’une maîtrise, d’une force et d’une finesse hors pair. La sélection, strictement subjective, de cette page devrait suffire, au besoin, à vous en convaincre.


Guillaume Malvoisin 

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