Edwyn Collins, crush crush baby
Du jazz, à bien écouter, on pourrait en trouver partout. Y compris dans les mensonges de beau gosse un peu crooneur. Huitième sonnerie de l’Alerte Jazzy. Edwyn Collins n’a jamais rencontré pareille fille.
Très longue, la liste des crooneurs post-punk. Bryan Ferry est trop smart pour rester dans la ligne, Robert Palmer trop fragile, Rod Stewart a le cheveu trop laqué et Neil Hannon est trop près du sans faute. Il faut du fragile, du revival, de la larme et du sourire. Un truc frais et acidulé comme un jus d’orange au petit matin. C’est le taff d’Edwyn Collins. L’autre Collins anglais. Pas Phil, rigolo-batteur et vice-versa, mais Edwyn. Edwyn Collins, le smart boy qui a connu le succès rugueux avec Orange Juice, un retour de grâce divine après deux attaques cardiaques et, juste avant, une hype inattendue avec un tube mambo-blues. Parcours parfait pour une icône nineties. Le tube mambo-blues, c’est A Girl Like You. Vrai mensonge de beau gosse amoureux, fausse bluette jazz fifties, calée en 3’57.
A Girl Like You
Edwyn Collins, période Orange Juice © DR
« You made me acknowledge the devil in me
I hope to God I’m talking metaphorically »
A Girl Like You sort en 1994, en deuxième position sur Gorgeous George, disque exigent mais indolent. What else. En 1994, c’est du grand huit côté actu. Le Rwanda s’ensanglante pour quatre mois de génocide, ailleurs le commerce se libéralise avec la création de l’OMC et Cheb Hasni tombe à Oran, assassiné par le GIA. Sinon, les USA et la Russie signent un acte de non-prolifération nucléaire, Yasser Arafat visite Jéricho, enfin, et, enfin, le Royaume-Uni n’est plus vraiment une île : on a fini de creuser le tunnel sous la Manche. On ne saura jamais si les disques d’Edwin Collins ont transité via l’Eurostar mais le petit gars natif d’Ecosse inonde le monde avec une pépite. Pop et pleine d’emprunts au latino-jazz, au punk, à la folk de Joe Strummer. Ça, c’est pour le morceau éponyme et sur North Of Heaven. Ailleurs, on entend les Buzzcocks qui sonnent comme s’ils avaient été embauché par Bobby Hutcherson et un orchestre de Nothern Soul. White light, White sound, ici. Ça sonne blanc sur fond de dark side sexy, ce A Girl Like You. Un peu synthétique, un peu cheesy mais carrément addictif. Comme les Choco Küss une veille de Noël. Enveloppe craquante, coeur fondant, base de gaufrette.
La seule chose qui sépare ce track d’une confiserie pour bonne sœur, c’est ce qui déboule dès la deuxième seconde. Le vibraphone. Parfaitement entertainment jazz. Le genre de truc qui vous replace dans une backroom de club un peu moite, où dansent gigolos et belles gosses, entre deux pamperilles et trois rideaux de velours rouge. C’est stylé, un peu secret. Mais c’est sali très vite ici par le son acide de la guitare. Magie de ce morceau. L’overdrive joue ce qu’aurait dû jouer, en jazz, une trompette ou un trombone. Même descente de gamme mais avec un autre son. A Girl Like You déclame son petit jazz, oui, mais va aussi réclamer son petit héritage punk. On est en plein revival pop britannique. Ça compile, ça fructifie. Note suprême, c’est Paul Cook qui joue des mailloches et de la batterie sur ce tube. Le même Paul Cook qui est à l’origine des Sex Pistols, le petit pote de Johnny Thunders. Du jazz joué à la punk ? Sir, yes sir. Et le gars Edwyn peut alors crooner façon Dean Martin, bouger façon Presley et prendre sa revanche sur dix ans d’échec. Une décennie qui s’achève sur la meilleure des arnaques répétées cent et mille fois par tous les amoureux de la Terre : never seen a girl like you before.
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Guillaume Malvoisin
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